Marivaudage mondain, Vicky Cristina Barcelona s’appuie notamment sur une volcanique Penélope Cruz, ici présente.

Imaginez une pièce de trois mètres sur cinq, avec une table ronde au milieu, une dizaine de chaises alentour, une télé dans un coin, un buffet le long d’un mur et encore l’un ou l’autre bibelot, histoire de charger le tout. Ajoutez une trentaine de journalistes supposés se succéder en petits groupes, mais que vous avez décidé de réunir en un seul, histoire de les voir s’adonner, dans un premier temps, à une variante du jeu de la chaise musicale. Faites alors entrer Penélope Cruz, star à l’origine de tout ce tumulte, et voilà pour les conditions d’une rencontre que l’on qualifierait abusivement d’entretien. Jean Gol tenait les journalistes pour des nains; d’autres les considèrent comme du bétail.

Mais soit. Chacun ayant eu le temps d’apprécier sa magnifique robe Dior, c’est parti pour 25 minutes de ping-pong avec Miss Cruz; un sport qu’elle pratique avec un sens aiguisé de l’esquive – le résultat de quinze ans de pratique intensive, depuis que Bigas Luna la révéla dans Jamon, Jamon, en 1992.

Bientôt star, Penélope Cruz allait, avec les années, opter pour une carrière en deux temps: souvent lumineuse dans ses films espagnols – de Carne Tremula à La nina de tus ojos; de Abre los ojos à Volver -, on la retrouvait non moins sûrement laborieuse dans ses tentatives hollywoodiennes, capitalisant sur son physique au gré de bandes aussi dispensables que Woman on Top, Captain Corelli’s Mandolin et autre Bandidas.

On aurait juré l’affaire entendue si l’actrice ne s’employait, depuis peu, à brouiller les pistes: sorti ces jours-ci, Elegy est, sans conteste, son meilleur rôle en anglais. Dans la foulée, on la retrouve aujourd’hui dans Vicky Cristina Barcelona, le nouveau Woody Allen – un Woody mineur, mais un Woody quand même. Voilà qui vous pose incontestablement une actrice, vedette ou non. Penélope Cruz ne s’en cache d’ailleurs pas: il en va, pour elle, d’une sorte de rêve devenu réalité.  » Je suis une fan absolue de Woody Allen, avec une prédilection pour Deconstructing Harry. J’ai vu tous ses films, et quand il en sort un nouveau, je vais le voir à la séance de 16 heures. Woody Allen est un génie. Tourner avec lui fut une expérience étonnante: toute ma vie, j’ai regardé ses films et j’y ai puisé de l’inspiration, comme actrice, mais aussi comme personne. »

De son expérience sur ce film, Penélope Cruz retient la confiance témoignée par Woody Allen à ses comédiens. Le rôle de la tempétueuse Maria Elena, elle l’a obtenu après un rendez-vous de… trois minutes.  » Mon agent m’a dit que j’étais restée longtemps. Parfois, Woody est beaucoup plus expéditif, 15 secondes à peine… Mais il sait, il connaît votre travail, et vous fait confiance. Il m’a expliqué ce qu’il écrivait. Il m’avait vu dans Volver et pensait que je conviendrais. »

 » La confiance que vous témoigne Woody est aussi synonyme de grande responsabilité, poursuit-elle. Le film étant tourné en anglais et en espagnol, il nous a laissé, Javier Bardem et moi, la liberté de passer d’une langue à l’autre, nous avions la possibilité d’improviser. Vu les contours psychologiques de mon personnage – que l’on décrira, pour faire simple, comme une pasionaria hystérique -, j’avais tendance à recourir à une flopée d’insultes, des expressions atroces parfois. De retour chez moi, je culpabilisais: Woody nous donne cette liberté, et tout ce que je réussis à en faire, c’est parler comme un charretier, ne lui laissant d’autre recours que couper tout cela au montage, quand il va réaliser… »

Volcanique, sexuelle, Maria Elena serait-elle un personnage « almodovarien » en excursion allénienne?  » Woody et Pedro sont très différents, mais j’ai toujours considéré qu’ils avaient des choses en commun, observe la comédienne. Ils s’apprécient beaucoup. Woody n’arrêtait pas de me parler de Pedro, et vice versa. Et moi, j’étais ravie de servir d’intermédiaire. Ils procèdent différemment, mais tous deux parlent de choses fondamentales et profondes, sans jamais faire la leçon à qui que ce soit, et avec énormément de douceur, d’humour et d’ironie… »

Et d’évoquer, d’ailleurs, ses prochaines retrouvaillles avec Pedro Almodovar pour Los Abrazos rotos, leur quatrième film en commun.  » Je suis effrayée comme s’il s’agissait de mon premier film. Mais si je n’éprouvais plus ce sentiment, il serait temps de passer autre chose… »

Rencontre Jean-François Pluijgers, à Cannes.

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