GRIZZLY BEAR SORT DE SA TANIÈRE ET MONTRE PATTE BLANCHE. SI LA BÊTE SE FAIT MOINS RÊVEUSE, SHIELDS CONSERVE LA GRIFFE DES MAGIQUES FOLKEUX « BROOKLYNITES ».

Plébiscité par toute la presse musicale, vendu à un petit 4000 exemplaires en Belgique (c’est déjà un paquet par les temps qui courent), Veckatimest a sacré en 2009 les New-Yorkais de Grizzly Bear en même temps qu’une pop magique et féerique promise à l’éternité. Le Grizzly a été célébré par Jay-Z, Paul Simon, Trent Reznor et Jonny Greenwood de Radiohead. Il a même été invité dans un festival par Neil Young. Un concert de charité que lui et sa femme organisent dans les parages de San Francisco pour une école destinée aux enfants et adolescents autistes.  » J’admire Neil Young. Il écrit des chansons comme il peindrait des toiles. Il te raconte une histoire que tu peux visualiser comme si tu lisais un roman, s’emballe le bassiste et producteur de Grizzly Bear Chris Taylor. Le rêve est devenu réalité. On a eu l’occasion de le rencontrer. Il est exactement celui que tu imagines. Calme, timide, ne parlant que quand c’est nécessaire. »  » Pour le scoop, tu repasseras, il ne jumpe pas partout en racontant des blagues« , rigole Daniel Rossen.

Pour Grizzly Bear et son Veckatimest, l’heure de la succession a aujourd’hui sonné. Elle ne s’est pas préparée sans mal. En octobre 2010, Ed Droste, Daniel Rossen, Chris Taylor et Chris Bear sont sortis lessivés, épuisés d’une longue tournée couronnée de succès.  » Nous avons vécu une expérience extrêmement intense, note Rossen. Quand tu te mets à défendre un disque comme nous l’avons fait, tu appuies sur pause dans pas mal de domaines de ta vie. C’est assez déroutant. » Daniel a été jusqu’à se demander s’il voulait continuer à créer.  » Je me suis en tout cas demandé si j’en étais toujours capable. J’ai vraiment eu une panne d’inspiration. Je n’aimais rien de ce que j’écrivais. Puis, je me suis aussi posé des questions du genre: qu’est-ce que je fais de ma vie? »

Droste a voyagé. Taylor s’est vite remis au travail.  » J’ai ressenti le besoin de faire une musique qui m’amuse à nouveau, avance ce dernier. De me mettre en danger. Et de voir ce qui en sortirait (l’album de Cant, ndlr). J’ai aussi produit Twin Shadow et quelques autres trucs pour mon petit label Terrible Records.  »

Rossen, lui, a fini par sortir un joli EP, Silent Hour/Golden Mile, dans les bacs depuis le mois de mars.  » J’ai eu six mois pour me prouver à moi-même que je pouvais encore y arriver. Je ne voulais pas tourner, donner de concerts. Je voulais juste enregistrer. C’est ainsi que ce mini album est né.  »

Intersection

La bête Grizzly Bear s’est donc réveillée à son aise, à son rythme, en douceur. Elle s’est aussi beaucoup promenée pour se retrouver. Elle est partie en retraite au Mexique, à Cape Cod, au Texas même.  » A Marfa, ça a été beaucoup de blabla: « – Qui es-tu? Qu’essaies-tu de faire? Parlons-en, qui es-tu vraiment? – Je ne sais pas. Je suis désolé. » Mais c’était génial« , raconte Rossen.

 » La première chose quand on s’est retrouvés fut de voir où chacun d’entre nous en était musicalement, reprend Chris Taylor. Tout le monde a beaucoup d’idées au sein du groupe. Ça rend les choses à la fois compliquées et excitantes. »

Surtout quand on essaie de se respecter, de contenter les uns et les autres.  » C’est pas évident, presque impossible. Mais on s’en approche. Je pense que chacun d’entre nous nourrissait différentes aspirations. Terminer un disque, c’est trouver l’intersection.  »

Ce sur quoi tous s’accordaient, c’était d’éviter la capitalisation. Le piège (à ours) du Veckatimest numéro 2.  » On ne savait pas du tout ce que serait ce nouveau disque avant de l’avoir terminé, avoue Rossen. Ça a pris du temps. Peut-être pas plus que d’habitude mais on en a eu l’impression. Nos albums sont des limaces… »

Si Taylor avoue avoir passé plus de temps à regarder des films et à se promener dans les musées d’art moderne qu’à écouter de la musique, Daniel Rossen a eu de drôles de phases pendant sa gestation.  » Je ne sais pas pourquoi mais j’ai été obsédé par les vieux classiques blues. C’est tellement éloigné de ce que je fais. Je me suis aussi passionné pour Talk Talk et le travail de Mark Hollis. J’adore l’espace, l’apaisement qu’on peut trouver dans ses disques.  »

Avec Shields, Grizzly Bear est plus un groupe que jamais. Droste et Rossen ont pour la première fois écrit ensemble… « Veckatimest était un disque chaleureux. Ce nouvel album me semble nettement plus froid. Moins rêveur. Ma théorie est qu’il ne s’agit plus d’un disque introspectif mais d’un disque de groupe. Collectif. Nous ne sommes plus perdus dans nos pensées. » Elles sont d’ailleurs d’ores et déjà tournées vers la scène que l’ours arpentera dans les prochains mois. Pas le temps d’hiverner… l

LE 04/11 À L’ANCIENNE BELGIQUE.

TEXTE JULIEN BROQUET

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