Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Retour au cool – Brighten The Corners, l’un des sommets d’un groupe essentiel des nineties, fait l’objet d’une rÉÉdition jouissive. Temps de rebattre le pavÉ…

« Brighten The Corners – Nicene Creedence Ed. » DistribuÉ par Domino.

Le cool n’est plus ce qu’il était. Aujourd’hui clinquant et sûr de lui, il s’affichait, dans les années 90, ironique et désenchanté. Beck chantait I’m a loser, aujourd’hui, Coldplay entonne Viva la vida… Cela saute aux oreilles quand on se replonge dans cette réédition de Brighten The Corners, pénultième album de Pavement.

Groupe majeur de la décennie, Pavement ne s’ancre pas seulement dans ces nineties de par sa période d’activité – de 1989 à 1999. Le groupe de Stockton (pas loin de Sacramento, Californie) incarne à la perfection ce cool détaché qui régnait alors. Il était moins arrogant qu’apathique, moins hautain que je-m’en-foutiste. Un vrai truc de branleurs – bon sang, imaginez qu’à l’époque on acceptait encore d’écouter des cassettes!

Ici, les guitares jouent donc en permanence à l’équilibriste, chancelant sur un fil ténu, faisant mine de glisser avant de se rattraper. La voix-même de Stephen Malkmus ne chante pas vraiment, elle se balade, papillonne, évite tant que faire se peut la ligne droite -à l’image des textes surréalistes tordus. En fait, Malkmus ne suit pas trop la mélodie, c’est elle qui fait tout ce qu’elle peut pour rester accrochée à ses basques. Son génie est d’ailleurs là: dans sa capacité à pondre des mélodies cacophoniques.

Goal

Cet équilibre (?), Pavement l’éprouve de manière magistrale sur Brighten The Corners. Sorti en 1997, le quatrième album du groupe est peut-être aussi son disque le plus accessible, à l’image de Shady Lane, titre parmi les plus pops de leur discographie. Pour autant, Pavement n’a rien perdu de son esthétique slacker traînante – pas de sprint ici, la majorité des chansons lambinant sur des mid-tempo. Aux douze titres insubmersibles parus à l’époque, cette réédition ajoute trente-deux morceaux: inédits, reprises, faces B ( Harness Your Hopes) et live studio (dont la Peel Session de 1997)… Un menu copieux, certes inégal, mais jamais ennuyeux. Il n’apporte pas forcément beaucoup plus de clés pour comprendre l’énigme Pavement. Mais à vrai dire, cela ne la rend que plus excitante.

A titre de comparaison, les Pixies, quelques années auparavant, fracassaient leurs évidences mélodiques sur des guitares hurlantes: sec et direct. Les Pavement jouaient eux à la brésilienne: en dilettante, tournant autour du goal, prenant mille détours, avant d’accélérer le jeu en deux passes et de marquer. Douze ans plus tard, c’est toujours but.

Laurent Hoebrechts

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