Pas dupe

Qu’a-t-il bien pu encore manigancer? Voilà 30 ans qu’Yves Ravey publie discrètement de petits polars à la banalité menteuse et à l’ironie postmoderne aux éditions de Minuit. La brièveté de ses textes, la simplicité de sa langue n’empêchent pas que la prudence soit de mise. Bien au contraire. Tout d’abord, l’accident. Tippi Meyer, une femme  » à profil de star« , blonde platine, retrouvée morte au fond d’un ravin au volant de sa voiture de prix. Rapidement, la grandiloquence cinématographique de la scène (on pense à Hitchcock, Chabrol) contraste avec la posture médiocre du mari, arrivé sur les lieux… après l’amant de son épouse. Immédiatement suspecté par son beau-père, le mari l’est aussi par un inspecteur Costa décidément encombrant. Détail qui n’en est pas: celui qui se souvient régulièrement de paraître affligé par la mort de sa femme est précisément celui qui conduit l’histoire avec semble-t-il nonchalance -un « unreliable narrator » dans la pure tradition anglo-saxonne. Le geste astucieux d’Yves Ravey est ici de diriger la suspicion moins sur le coupable que sur la narration elle-même (qui dupe qui?), tout l’enjeu de cette parodie de roman noir tenant bien sûr dans la dilatation de l’intrigue, c’est-à-dire l’éternel report par l’écriture (les bavardages du narrateur, la fausse naïveté de l’enquêteur) de sa solution.

D’Yves Ravey, éditions de Minuit, 144 pages.

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