Partie de chasse entre lâches

© National

C’est un soir de Saint-Valentin à St-John’s de Terre-Neuve (Canada). Malgré les annonces de tempête, au Hazel, on s’active pour recevoir les clients. Si l’électricité menace de se couper, la tension est pourtant intense, en coulisses comme en salle. Damian, serveur gay, est encore en retard: il a noyé dans la drogue une scène traumatisante à laquelle il a assisté dans son job précédent. Iris n’en peut plus de la relation toxique que lui impose John, le chef, à l’insu de sa femme (vraie patronne du lieu). Olive, qui comme Iris vient du nord, cherche un peu de chaleur humaine mais connaît les regards de pitié ou d’indifférence qui s’attardent sur elle, ni tout à fait blanche ni tout à fait comme les gens d’ici. Comme ceux de Kae Tempest, les personnages de Megan Gail Coles sont englués dans la toile de leur propre tragédie, déchus de leur grandeur et avec les failles de leur humanité parfois poisseuse -comme une nappe qu’on n’aurait pas changée- totalement à nu. Comme l’annonce l’autrice d’entrée de jeu: “Ça pourrait faire un peu mal. Soyez courageux.” Iris et Olive, en particulier, ont fait les frais (corps et esprit) de la violence masculine systémique et de la lâcheté de certains. Restent, au final, quelques éclats vibrants de sororité dans un blizzard de misogynie.

De Megan Gail Coles, éditions Denoël, traduit de l’anglais (Canada) par Mélissa Verreault, 512 pages.

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