Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Sangaré, 4×4 malien – Le cinquième album de la plus célèbre chanteuse malienne regorge de voies qui paraissent d’autant plus royales quand on les décode.

« Seya »

Distribué par Munich Records.

Il y a deux moyens d’écouter ce disque. Le premier consiste, simplement, à se laisser aller au sablé des mélodies, aux tonalités aigrelettes des instruments et à la voix d’Oumou. Une caresse si distinguée qu’elle renvoie impitoyablement les armées de vocalistes vulgaires, africains ou non, à leur larynx sans lendemain. Cinquante-six minutes compartimentées en onze plages s£urs, roulant au c£ur du vent saharien qui tempête vers l’infini. La seconde option d’écoute vient après un premier passage où l’auditeur, justement curieux, désire comprendre les enjeux de cette musique. Pour son cinquième album depuis 1991, Oumou Sangaré, née le 25 février 1968 à Bamako, ne change pas sa ligne puriste mais veut donner de la joie (« Seya »). Elle chante encore et toujours les sonorités de son Wassoulou natal, une région de 160 000 habitants éparpillée aux frontières du Mali, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire. La langue, rattachée à celle de l’ancien Empire Mandingue, roule ses syllabes en les dorlotant et confie aux voyelles la place prépondérante. Ce qui fait sonner les paroles d’Oumou Sangaré comme des légions d’onomatopées joyeuses. On y retrouve aussi les thèmes fondateurs de son travail que sont la défense des droits des femmes et des enfants: dans Wele Wele Wintou par exemple, elle chante le chagrin des mariages arrangés. La méthode de l’enregistrement, réalisé à Bamako, n’a pas changé: le studio sert de caisse de résonance aux musiciens du groupe d’Oumou et à tous ceux de passage, y compris le batteur de Living Colour, Will Calhoun…

UNE ARTISTE IMPRESSIONNANTe

Ils tricotent à l’infini des mélodies qui chauffent jusqu’à l’incandescence et qui réclament donc l’abandon de l’auditeur. Celui-ci, quand il est occidental, peut être surpris par la similitude des structures mais soumises à une écoute plus attentive, les chansons s’épèlent comme des fausses jumelles. Leur angle d’attaque semble à peine varier, mais au final, il suffit de déplacer une corde de balafon à Bamako pour qu’elle arrive mutante à Bruxelles ou Paris. On parle sans cesse de la majesté vocale de Sangaré – qui à une exception près, signe tous les titres – mais la beauté est partout: dans cette flûte descendue du Nil sur Seya, dans les ch£urs de femmes bien sûr, de curieux grincements qui pourraient avoir été inventés par la musique chinoise ( Iyo Djeli). Ou dans les instruments à cordes qui mettent Mogo Kele sur la carte des morceaux élastiques d’une usine dont Oumou serait la reine-caoutchouc. D’ailleurs, cette impressionnante artiste est, à domicile, une vraie patronne d’industrie. Business divers, hôtels, investissements dans l’agriculture, Oumou a même donné son nom à un 4×4 chinois. L’album aussi, peut résister à tous les terrains.

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Philippe Cornet

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