A défaut de nouvel album majeur, The Cure perpétue sur scène un son et une identité uniques.

Cela se passait la semaine dernière. The Cure remplissait sans souci le Palais des Sports d’ Anvers pour en occuper la scène pendant quelque… trois heures. Un peu chiche quand même. A Paris, quelques jours auparavant, Robert Smith et ses compères avaient joué une demi-heure de plus, et dans d’autres endroits, ils ont poussé le vice jusqu’à quatre heures de concert. Le groupe n’a pourtant pas de nouvel album au programme – celui prévu a été retardé. Certes, cela ne l’empêche pas de balancer quelques titres en avant-goût, mais l’essentiel du programme n’est pas là. Il se concentre sur la période prolifique des années 80. Décennie musicalement pourrie? Pas pour tout le monde. C’est à ce moment-là que Robert Smith pond des albums comme il respire, passant de la neurasthénie glacée de Faith à la schizophrénie pop de Kiss Me Kiss Me Kiss Me, des miniatures post-punk de Three Imaginary Boys aux longs spleens de Desintegration. A la longue, The Cure s’est donc imposé, mais sans jamais forcer les portes de n’importe quelle chapelle. Même pas celle de la cold wave, qui fondra sous le soleil de mélodies aussi lumineuses qu’ In Between Days. En fait, Robert Smith a créé sa propre église. The Cure fait du Cure, influence revendiquée par de plus en plus de groupes (De Bloc Party à Interpol). A bientôt 50 ans (l’an prochain, en même temps qu’il fêtera les 30 ans du premier album de The Cure), Robert Smith fait surtout ce qu’il veut. Y compris rester soi-même: malgré l’embonpoint de plus en plus manifeste, il a gardé son look de corbeau, noir autour des yeux, rouge autour des lèvres, et cheveux en pétard. Ses fans, eux, n’ont pour une bonne part plus la chevelure adaptée à de telles extravagances capillaires ou ont simplement laissé tombé le khôl, et se rendent aujourd’hui au concert avec leur gamin ado. The Cure, groupe transgénérationnel. Qui aurait cru?

L.H.