ENTRE RÉDEMPTION ET RÉCIT INITIATIQUE, DAVID GORDON GREEN ANCRE UN DRAME POISSEUX DANS LA RÉALITÉ TEXANE. ET RÉUSSIT À RÉINVENTER NICOLAS CAGE…

Joe

DE DAVID GORDON GREEN. AVEC NICOLAS CAGE, TYE SHERIDAN, GARY POULTER. 1 H 58. SORTIE: 30/04.

7

Révélé avec le siècle à la faveur de George Washington, David Gordon Green (lire son interview page 22) a suivi ensuite un parcours sinueux, l’ayant mené de productions indépendantes en Hollywood le temps d’y trousser quelques comédies, avant retour à son Texas d’adoption pour y planter le décor de films plus modestes en apparence: Prince Avalanche, sorti il y a quelques mois, suivi de Joe aujourd’hui.

Adapté d’un roman de Larry Brown, le film, un drame poisseux, est ancré dans une réalité du Sud telle qu’avait su la dépeindre magistralement un Jim Thompson auparavant. Soit l’histoire de Gary (Tye Sheridan), gamin de 15 ans débarqué avec sa famille, tyrannisée par un père abusif (Gary Poulter), dans une bourgade assoupie du Texas. Et qui, s’étant mis en quête de travail afin de subvenir aux besoins des siens, va faire la connaissance de Joe Ransom (Nicolas Cage), ex-taulard tentant de se refaire une virginité dans l’abattage de bois pour le compte d’une grosse société, non sans ruminer son sort à grand renfort de bourbon. Un homme ayant tout d’un monolithe rugueux, et loin d’en avoir fini avec ses démons selon toute apparence, mais qui va prendre sous son aile le garçon à l’aube d’affronter les vicissitudes d’une existence engagée sous des auspices guère favorables…

Destin chagrin

Cette histoire croisant quête d’hypothétique rédemption et récit initiatique, David Gordon Green l’inscrit dans un environnement âpre, un monde comme en suspension, peuplé d’êtres ballottés au gré d’un destin chagrin. S’y frottant avec un souci constant de vérité, il signe un film à la sombre intensité, en écho à une réalité toute de noirceur. S’il peut paraître forcé par endroits -dans certaines flambées de violence, en particulier-, tout en faisant l’une ou l’autre concession aux clichés du cinéma de genre, le trait n’en est pas moins d’une force peu banale, pour un propos d’une densité humaine suffocante. Aussi, Joe apparaît-il comme le cousin guère éloigné du Mud de Jeff Nichols, à la fois par ses thématiques et l’attention qu’il porte aux déshérités -c’est de l’arrière-cour de l’Amérique dont il est ici question, avec son lot de hobos contemporains. S’y ajoute une distribution impeccable où, aux côtés de l’épatant Tye Sheridan, assurément le jeune acteur le plus prometteur de sa génération, on trouve un Nicolas Cage semblant enfin disposé à se réinventer -le syndrome Matthew McConaughey? Magistrale, sa composition est de celles qui font date, venant rappeler le formidable comédien qu’il était à l’époque de Wild at Heart ou autre Leaving Las Vegas, avant de se vautrer dans des productions ne semblant avoir d’autre objet que de mettre en valeur sa collection de postiches. A l’image de celle, timide, qui s’inscrit, malgré tout, à l’horizon désenchanté de ce film secouant, il peut y avoir une lumière au bout du tunnel.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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