Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

On the road again – Chien errant de la photographie, Manolo Chrétien a parcouru les Etats-Unis entre 2001 et 2008. Il en ramène un instantané tout sauf triomphant.

À la Galerie Taïss, 5, rue Debelleyme, à 75003 Paris. Jusqu’au 31/07.

Il faut l’imaginer avec des écouteurs sur les oreilles. Manolo Chrétien arpente les States en musique. Massive Attack, Archive, Portishead, Radiohead ou Tuxedomoon constituent la bande-son atmosphérique de ses errances. Ce climat sonore se superpose à tout ce que son objectif capte. On nage en plein road-movie photographique, sorte d’hyper balade hallucinée. C’est un autre regard sur l’Amérique que Chrétien donne à voir à travers son périple digne de Kerouac. Ici, des fils électriques et des feux de signalisations rayent le ciel bleu à en donner le vertige. Là, des routes qui se chevauchent de façon surréelle bouchent l’horizon. Ailleurs, des vieilles carcasses de voitures ou d’avions agonisent au soleil. On est loin du  » Yes, we can » avec ces clichés qui donnent à voir une réalité paroxystique, au pire déshumanisée, au mieux rattrapée par une nature avide de revanche. L’homme est une sorte d’intrus dans ces images. Un étranger condamné au nomadisme perpétuel.  » Must Move« , peut-on lire sur les vitres d’une vieille maison en vente à League City. Pas étonnant que l’affiche ait fourni son nom à l’exposition.

States of mind

Depuis qu’on l’a vu exposé à la Young Gallery en 2006, on suit le travail de Manolo Chrétien de près. A l’époque, sa série Juste-Ciel avait tapé dans le mille en exhibant carlingues et fuselages d’avion. Peu convaincu sur papier, on a pourtant rapidement décollé à la verticale devant cette ode à l’aluminium déclinée par ce photographe dopé au kérosène. Impossible de ne pas partager la puissante fascination pour les tôles d’aluminium éclatantes en plein soleil. A ce titre, Must Move apparaît comme une série très cohérente par rapport à l’ensemble de son £uvre. On y retrouve l’esprit de ce que le photographe appelle ses « aluminations », un mot-valise désignant un mélange basé sur la trilogie « aluminium-hallucination-illumination ». De Texas City et ses raffineries de pétrole à New York traqué dans le moindre reflet métallique, en passant par les cimetières d’avion de Tucson, les Etats-Unis jettent leurs derniers feux dans la bataille de la civilisation. Bien malin qui pourra dire comment tout cela va se terminer. Dans les pleurs, sans doute…

www.taissgalerie.com

Michel Verlinden

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