
Musée Marilyn
Vous voici prêts à entrer dans un dispositif littéraire singulier, fruit de sept années d’enquête minutieuse dans les archives photographiques (1944-1962) de celle qui s’est un jour appelée Norma Jeane Baker puis devint Marilyn Monroe. C’est un lieu où les images sont centrales et n’apparaissent pourtant jamais (on pense ici parfois à Un jeune homme trop gros d’Eugène Savitzkaya, consacré à Elvis Presley, à peine sous couverture). Anne Savelli nous convie en effet ici à suivre le guide (jusqu’à quel point est-il un narrateur neutre voire fiable?) d’un musée fictionnel consacré à la construction d’une icône par portraits réels interposés (pris par André de Dienes, Eve Arnold ou Richard Avedon), mais aussi à tous les hors-champ potentiels de ces séances de pose, là où tout se jouait en matière d’intimité, de prédation ou de mélancolie latente. Dans les pas-de-deux entre photographe et modèle, le piège pouvait se refermer tantôt sur l’un, hypnotisé par celle qui atomise la pellicule et s’incarne, tantôt sur l’autre, droguée à ces instants où elle devenait éternité, où elle espérait échapper au sordide d’une existence pas si glamour une fois les spotlights éteints. Au-delà de fragmenter par le menu une galerie des glaces au pays des apparences trompeuses, de l’épuiser au sens perecquien (un exercice auquel Savelli excelle depuis Décor Lafayette), l’autrice nous tend souvent le miroir, à nous spectateurs, englués dans la toile des représentations et des impératifs de la séduction (“C’est dire où nous en sommes, dès qu’il s’agit de parler de la fille et de son corps”). Persistante rétinienne aidant, Musée Marilyn est un vertige éblouissant, pas juste destiné aux fans de l’actrice.
D’Anne Savelli, éditions Inculte, 432 pages. Prix: 20,90 euros.
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