Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

UN COLLECTIF DE RENNES FABRIQUE DES INSTRUMENTAUX EXPLORATEURS AVEC UN SENS ÉCLAIRÉ DE LA JUBILATION POSÉ SUR DES MÉLODIES CARILLONNANTES.

Mermonte

« Audiorama »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

8

Un instant, on a cette pensée absurde, même un peu conne: si Phil Spector était né 30 ans plus tard du côté du Finistère ou de l’Ille-et-Vilaine plutôt que dans le Bronx, s’il avait chéri les instrumentaux plutôt que les harmonies humides de choristes nuageuses, préféré Yann Tiersen à John Lennon, choisi la vie plutôt que le crime, cela aurait pu donner le « wall of sound »à la Mermonte. Ce patronyme océanique est d’abord l’histoire d’un trentenaire rennais, Ghislain Fracapane, homme-studio, réalisateur d’un premier album éponyme paru en 2012. Manifeste sympho-pop issu d’un instrumentiste, pluriel à lui seul: guitares, basse, percussions, glockenspiel, trompette, claviers et même choeurs illuminent le disque de rayons enjoués. Parce qu’il ne veut pas en rester aux choses de studio, Fracapane convoque des amis musiciens et c’est à dix que Mermonte se produit pour la première fois en live, au Jardin modernede Rennes, le 5 avril 2012. Entretemps, un collier de comparaisons s’est accroché à ses basques: Tortoise, Godspeed, Efterklang, Sufjan Stevens, Steve Reich, tous aussi vrais que tronqués et simplificateurs puisqu’au détour d’une plage, on pense aux éclairs de Debussy voire aux ritournelles de Pascal Comelade. Surtout à l’identité forgée par le collectif breton et sa capacité à transcender la déprime (endémique) française en donnant à la musique un appel d’air ludique, voire glorieux. Une soixantaine de dates plus tard -dont Namur, Liège, Mouscron et Pont-à-Celles…-, la mer remonte une deuxième fois sur la plage d’écoute pour Audiorama.

Fanny Giroud?

La particularité de ces dix instrumentaux -ci et là ornés de chants vaillants- est qu’ils semblent tous indépendants l’un de l’autre, tout en contribuant à une forte identité globale. Petits poucets en quête de Graal, les musiciens usent d’un nombre impressionnant d’instrus -du mellotron à la clarinette- jetés dans un maelström où il n’y a plus de barrière entre, disons, Stravinsky et Arcade Fire. A chaque morceau, ce drôle de CV virtuel passe inévitablement par un sens aigu de la célébration, jamais béate ni contrite. C’est séduisant sans être vulgaire, inventif mais nullement cosmétique: inspiré donc. Mermonte a de la ressource pour faire grimper en mayo un crescendo (Gaëtan Heuzé),confectionner un single du Top 50 (Fanny Giroud),faire sonner des guitares acrobatiques (Angélique Beaulieu), trouver la brillance (Cédric Achenza)et multiplier les pistes du plaisir. Ah oui, les drôles de titres en prénom-nom sont ceux d’amis du collectif auxquels il convenait de rendre hommage: pour savoir ce qu’ils font dans la vie, suffit de Googler… En attendant une date à Bruxelles?

PHILIPPE CORNET

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