La planète séries connaît la crise. Il fallait bien une bande de motards aux agissements criminels et aux destinées shakespeariennes pour redresser la barre. Sons of Anarchy déboule sur Be Séries. Et fait souffler un sacré vent de liberté…

Le bled s’appelle Charming. Au c£ur d’un paysage sec et brûlant, voilà qui est plutôt accueillant. Sauf que cette bourgade fictive de Californie du Nord n’a d’avenant que le nom. Et vit sous la coupe influente des Sons of Anarchy, un club de bikers hors-la-loi spécialisé dans le trafic d’armes. John Teller, le fondateur, est mort, laissant la place vacante pour Clay Morrow (Ron Perlman)… à la tête du club mais aussi dans le lit de sa belle, Gemma, la mère de Jax (Charlie Hunnam). Ce dernier, jeune heartbreaker à l’écorce aussi dure que l’intérieur est tendre, sera bientôt père à son tour. Entre les aspirations libertaires, voire romantiques, du défunt John et le réalisme de Clay, paternel de substitution menant son business d’une main de fer, son c£ur balance. Les bases d’une grande série en puissance, épique, ample, tragique, sont posées.

Montée sur un moteur diesel, la mécanique s’avère un peu lente au démarrage. Mais, une fois lancée plein pot sur les routes goudronnées de ses intrigues plurielles, elle décoiffe, hérisse le poil et laisse derrière elle cette odeur de gomme brûlée qui donne le tournis. Un vertige appelé à durer, semble-t-il. La seconde saison de Sons of Anarchy vient de débarquer sur les écrans américains et Kurt Sutter, son créateur, affirme que l’équipée sauvage pourrait s’étendre sur 7 saisons. Il faut dire que l’ancien scénariste et producteur de The Shield – autre fleuron du réseau FX affichant… 7 saisons au compteur au moment de mourir de sa belle mort l’an dernier – s’est d’emblée délester d’un fameux sac de n£uds à démêler.

Family business

Dans SOA, les anarchistes libres et rebelles d’hier ont appris à composer avec les réalités de la société d’aujourd’hui. Sédentaires, organisés comme une association mafieuse, ils ont sacrifié moult valeurs sur l’autel de ce qui leur est le plus cher: une totale autonomie, assortie d’un esprit clanique, familial, ancré au plus profond de chacun des membres du gang. Tragédie moderne baignée dans le sang et travaillée par la question de la filiation, le nouveau bébé de Kurt Sutter n’est, au fond, qu’une vaste histoire de famille(s). Celle de Jax, elle-même englobée dans celle du gang. Deux tribus aux tensions croissantes, oscillant sans arrêt entre secrets et mensonges. Dans l’£il de ces deux cyclones potentiels, la mère, Gemma, joue un rôle crucial: à la fois bienveillante et castratrice, en retrait et omnipotente. Sutter poussant le vice jusqu’à confier le rôle à sa propre épouse, la vénéneuse Katey Sagal. Et même, tant qu’on y est, à couler, quasiment telle quelle, la structure narrative du Hamlet de Shakespeare, summum de la tragédie familiale s’il en est, à l’intérieur de son intrigue de blousons noirs.

Famille(s) je vous hais. Un leitmotiv qui rappelle étrangement celui présidant à une autre saga télévisée aux contours criminels: The Sopranos. Ça tombe bien, la série de Sutter n’a pour ainsi dire rien à envier à celle de David Chase. Et prête pareillement le flanc à une grille d’analyse d’ordre psychanalytique, entre un îdipe mal résolu et une pleine affirmation de soi passant par le meurtre (symbolique ou non) du père.

Sans manquer pour autant de s’inscrire dans une pure tradition bikers. Le cimetière de l’ultime épisode de la saison fait, notamment, ainsi clairement écho à celui d’ Easy Rider. Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici: sceller pour de bon la mort de vieux idéaux. Tout en en appelant à la germination de nouveaux. Ce  » Time for a change » lâché dans ce même cimetière résonne ainsi avec d’autant plus de force en ces temps « obamaiens » (la diffusion de la saison s’est terminée aux USA au lendemain de l’élection présidentielle).

Marier grosses cylindrées, Freud et Shakespeare, tout ça dans une même série aux résonnances terriblement actuelles… c’est donc possible. Tous en selle!

Sons of Anarchy – saison 1

Une série FX créée par Kurt Sutter.

À suivre sur Be Séries le vendredi à 20 h 45 à partir de ce 18/09.

Texte Nicolas Clément

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content