Mort et vif

© DAN BANNINO-NEON VANITAS-KURT

Pour sa quatrième édition, le Photo Brussels Festival programme une exposition au Hangar. Dix-neuf photographes y explorent la nature morte.

Bruxelles est l’une des rares grandes capitales à ne pas disposer d’un événement, digne de ce nom, consacré à la photographie. Cela fait quatre ans que le Photo Brussels Festival (PBF) évolue au sein de cette désolante faille. Objectif?  » Réunir pendant un mois tous les amateurs, acteurs, professionnels et collectionneurs de la photographie contemporaine. » Le tout par le biais d’un programme certes vaillant, mais auquel on est en droit de souhaiter plus de cohérence -sur 32 initiatives recensées, majoritaires sont les participants dont les propositions ont été élaborées de manière totalement indépendante. Qu’à cela ne tienne: quand on n’a pas de pétrole, il faut des idées… Et tout porte à croire que le secteur culturel a intérêt à en avoir dans les années qui viennent. Fondatrice de la manifestation, Delphine Dumont a néanmoins réussi à mettre sur pied une programmation qui fait plus que tenir la route. Pour en juger, rendez-vous au Hangar, lieu d’exposition qui donne le « la » de la thématique. Afin de calibrer la sélection au plus juste, l’intéressée a choisi d’explorer toute la latitude que l’on peut imaginer entre l’expression anglaise « still life » et son équivalent français « nature morte ». On s’en doute: il y a là la place pour tout un nuancier d’interprétations, coincées entre le berceau et la tombe.

Florilège

La petite vingtaine de photographes retenus au Hangar enchante. Et ce, dès l’entrée, où un espace de 45 mètres carrés fait place au projet Dead Grocery de la Française Geneviève Gleize (1956). Lauréate du PBF Prize 2019, le prix qui accompagne l’événement, la photographe a concocté une expérience immersive relatant sa découverte d’une épicerie abandonnée dans un bourg du centre de la France. Bande-son (des bribes du témoignage de l’ancienne propriétaire des lieux) et murs tapissés d’images agrandies du décor décati composent une trame envoûtante sur laquelle prennent place une dizaine de clichés à la justesse chromatique absolue. L’oeil ajusté de cette native d’Avignon cultive le goût du détail bouleversant tout autant qu’il restitue l’effroyable banalité des mondes qui disparaissent -impossible de ne pas penser aux Profils paysans de Raymond Depardon. Il est également question de disparition dans une pièce humble et sublime, Life – For Mom, où Erwin Olaf (1959) rend hommage à sa mère disparue à la faveur de l’image projetée en stop-motion d’un bouquet de fleurs. L’agencement cyclique -le bouquet fane et renaît- repose sur une série d’obédience conceptuelle: le Néerlandais a photographié la composition florale, qu’il avait coutume d’offrir à sa maman, à raison d’une photo par minute pendant une heure. L’ensemble du shooting a duré onze jours. Mais la nature morte ne se révèle pas que mélancolique, elle peut également être d’une grande drôlerie -l’Autrichien Klaus Pichler (1977), qui met en scène les animaux empaillés du Musée d’histoire naturelle de Vienne-, afficher des contours constructivistes -les étranges marqueteries du Belge Wim Wauman (1976)-, sortir l’oeil de ses gonds -l’Italienne Teresa Giannico (1985), dont les manipulations visuelles laissent perplexe-, ou encore emmener en voyage -la subtile série sur l’Ouest américain du Belge Vincen Beeckman (1973).

Still Life

Exposition collective, Hangar, 18 place du Châtelain, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 21/12.

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www.photobrusselsfestival.com

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