Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

M brouille les pistes – Fidèle à ses phobies, la neuvième livraison studio du misanthrope de Manchester bouffe de la guitare crue et crée quelques sensations nouvelles.

Distribué par universal.Calé dans les bras de Morrissey, le bébé semble trouver naturel d’être si proche d’un chanteur connu pour son absence manifeste de vie affective ou tout au moins, particulièrement peu disert sur celle-ci . On peut aussi lire la pochette du nouveau disque comme une allégeance aux influences ayant baby-sitté le parcours de l’artiste: les Sex Pistols et les New York Dolls, dont M fut président du fan club anglais. Ce que le premier morceau, accouché dans des saillies de guitares, confirme de façon binaire et accrocheuse. Dès ce titre, Something Is Squeezing My Skull (Quelque chose enserre mon crâne), c’est bien ol’Mo’ que l’on retrouve dans son désir d’entretenir le mythe parano, citant au passage un paquet d’antidépresseurs au menu banalisé de ses angoisses (Diazepam, Tamazepam, Lithium). Le même gros son de viande crue garnit d’autres moments d’un album globalement gavé à la testostérone ( Sorry Doesn’t Help Me, One Day Goodbye Will Be Farewell). Alors, veau ou cochon, culturisme de bas étage ou performance olympique? Comme souvent chez Morrissey, les sensations contraires s’additionnent: la fainéantise qui consiste à repêcher deux titres déjà parus sur son Greatest Hits de début 2008 ( All You Need Is Me, That’s How People Grow Up) se mêle à d’autres péripéties plus frondeuses. Celle, par exemple, de sampler des dialogues de vieux films français sur fond de synthés brumeux pendant You Were Good In Your Time, assurément l’une des choses les plus étranges qu’ait faite Morrissey. Peut-être est-il désireux de sortir de son image anglocentriste?

un album inégal

Après six années à L.A. et un séjour à Rome, il déclare maintenant sa flamme à la France dans I’m Throwing My Arms Around Paris. Les textes – normalement cyniques, déprimés et drôles – passent aussi par des allusions à l’impossibilité de l’amour et l’obligatoire case de la mère divinisée ( Mama Lay Softly On The Riverbed). Mais le sens même de la musique offre des questionnements supplémentaires. Ainsi, l’énergie qui bouillonne en quasi-continuité dans les guitares énervées, trouve un break mariachi dans When Last I Spoke To Carol qui fera plaisir à son nombreux public latino nord-américain. Il y a aussi ce slow emphatique chanté à la manière d’un Sinatra industriel – It’s Not Your Birthday Anymore – où une batterie-enclume pour les sourds voisine ce qui pourrait être un tuba de concertiste égaré. Tout cela désoriente un peu et floute les scories d’un album intéressant mais inégal ( I’m OK By Myself). Le producteur Jerry Finn, 39 ans, est mort suite à une hémorragie cérébrale quelques jours à peine après avoir bouclé les enregistrements. Le choc était-il trop fort? La réponse, là aussi, semble incertaine.

www.itsmorrisseysworld.com

Philippe Cornet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content