Herpès, mon amour – Ken Dahl, seul dans la camionnette qui lui sert de maison et d’atelier, dessine sa vie avec l’herpès dans Monsters, mélange de radicale honnêteté et de sens graphique étonnant.

De Ken Dahl, autopublié.Ken Dahl – un pseudo – pratique l’autobiographie en ermite, dans la camionnette où il dort et travaille sur des comics qui dérangent. Un choix qu’il explique par la vague de minicomics et perzines (contraction de personal magazines) qui submerge l’époque de sa formation, avec des noms comme Joe Matt, Chester Brown, Seth, Julie Doucet. Pour Dahl, il s’agit aussi d’exorciser ses propres démons, une  » thérapie bon marché pour ceux qui ne peuvent s’offrir une mutuelle santé« , résume-t-il (1).

La plongée dans l’obscurité est impressionnante. « Pour moi, d essiner des BD-confessions a toujours relevé de la succulente révulsion qu’on ressent en ouvrant un paquet de fromage qui a passé des mois au fond du frigo. A ceci près que ce paquet, c’est mon cerveau. Qui sait, derrière cette peau humide de spores toxiques se cache peut-être un groupe de nains enchantés qui jamment sur des thérémines, assis sur un lingot d’or! »

Problème:  » Dessiner sur sa propre vie peut devenir une habitude effroyable. J’ai blessé beaucoup de gens qui comptaient pour moi. C’est triste à dire, mais je ne suis pas étranger aux menaces de mort et de suicide, à l’ostracisme social… ni aux ex-amis qui tentent de me renverser avec leur voiture. »

un nouveau mond bizarre

Un passage par le dessin politique et quelques minicomics plus tard, Ken Dahl retrouve sa vie exposée au vu et au su de tous par son opus magnum: Monsters. Une BD publiée à l’arrache, en fascicules au format carré, et distribuée par de petites maisons ( lire l’encadré). Le sujet, avouons-le, n’est a priori pas des plus vendeurs: sa vie avec l’herpès.  » J’ai vraiment dû me faire violence, me forcer à surmonter mon propre embarras – ce qui a d’abord été très difficile et nécessité pas mal de recherche. Je pense que ma longue expérience des sujets inconfortables m’a aidé.  »

Du coup, la honte cède la place à une fascination  » et même de l’admiration pour l’herpès et les virus en général. Ils sont nettement plus malins que nous: ils se multiplient et nous laissent tout le reste du boulot. Lorsqu’un virus est en vous, il ne devient pas seulement une partie de vous: vous devenez aussi une partie de lui. C’est un monde vraiment bizarre. »

(1) Les citations de Ken Dahl sont tirées de l’interview réalisée par Steve Bissette ( Swamp Thing) en 2007 et disponible sur son blog: http://srbissette.blogspot.com/2007/05/gabby-schultz-aka-ken-dahl-interview.html.

Vincent Degrez

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