M le métaphysique – Dans son nouveau disque, M « a la gaule ». C’est lui qui le chante avec des morceaux libérés, aussi kinky que funky. Dont une moitié poétique signée Brigitte Fontaine.
Distribué par Universal.
Matthieu Chédid est donc ce charmant mec de 37 ans bien sous divers rapports. Talentueux et courtois, il a fabriqué un alter ego artistique – M – qui ressemble à ces clowns maquillés qui viennent effrayer les enfants dans les hôpitaux. Sauf qu’il se produit plus généralement du Bataclan à Bercy, devant des foules persuadées de voir la réincarnation de Sly Stone en langue de Johnny. Ce curieux mélange deux temps a produit depuis 1997 trois albums studio ravageant le Top 10 français comme belge, et une poignée d’autres sorties live. Tous marqués par un sens de la scène et un jeu de guitare finaud qui vaut toujours à son auteur d’avenantes propositions de « collaboration ». Ces premiers nouveaux enregistrements en 6 ans devaient, promotion oblige, nous valoir une rencontre avec le jeune homme courtois etc. Après une rupture de Thalys, un imbroglio entre Universal et le (nouveau) management de l’artiste nous en a dispensé. Pas grave: la plupart des éléments sont consignés dans le disque, à commencer par la nécessité de réaffirmer une identité connue, et de la porter ensuite plus loin que la gratounette funk (et sympa) à laquelle nous étions habitués. » Si je devais résumer le disque, je dirais que c’est M qui revient, avec son ombre. Mais pour avoir de l’ombre, il faut de la lumière »: voilà ce que déclarait récemment M à un magazine français. Un peu dérouté par le premier single Le Roi des ombres, on n’y a pas vu de nouvelle lumière même si la chanson accroche via un riff de guitare liquide, presque lascif. Et puis, cette dualité M/Matthieu semble déjà avoir été largement explorée sur les autres disques. Quand vient l’intégralité de l’écoute de Mister Mystère, on comprend que le métabolisme a changé.
M comme maturité
Musicalement d’abord, sans éliminer les teintes funky, une douceur proverbiale et quasi continue flirte avec les chansons enveloppées dans une jolie gangue poétique. Le ton est plus intime, presque confessionnel, ce qui n’empêche pas les chansons écrites par Brigitte Fontaine – 8 sur les 17 – d’exposer des arguments charnels peu habituels chez M. Avec en exergue de cette nouvelle façon de conjuguer le désir, la phrase chaude de Tanagra: « Je suis fou de toi/Viens dans mon épaule/ Jolie Tanagra/Tu me fous la gaule ». Mais après tout, quoi de plus naturel que l’érection chez un trentenaire? Plus fondamentalement, l’album accroche par la sinuosité de ses morceaux et l’harmonie musicale qui accueille des questionnements, une gravité ( Ça sonne faux), précédemment peu usités. M y dépasse le ton cartoonesque – et parfois gadget – des enregistrements d’hier. Il casse aussi toute menace de routine mélancolique en faisant son Amadou & Mariam ( Amssétou), via quelques décibels de 6 cordes ( Destroy) ou en reprenant avec entrain un titre ( Hold Up) de son père Louis, qui a d’ailleurs (fort bien) mixé le disque. Parfois, il renoue avec des intonations parlées qui rappellent la confidence coquine gainsbourgienne ( Lettres à Tanagra). Bel esprit global même si on est moins convaincu par le bonus, une série de mini-films illustrant les chansons, réalisés par M et sa s£ur Emilie. Pas qu’on n’aime pas les home movies mais si mystère il y a, il ne semble guère habiter ces images-là.
www.mistermystere.com
Le concert de l’ AB en décembre est complet, mais il revient à Forest-National le 15 avril.
Philippe Cornet
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