Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Cas à part de la scène électronique, la Française a profité de son second album pour faire la paix avec certains de ses fantômes. Ouvrez la cage à la chauves-souris…

La rencontre a lieu dans une grande librairie qui fait aussi restaurant, dans l’est de Bruxelles. Dans un des rayons, Miss Kittin pioche un exemplaire de Please Kill Me. Sous-titre:  » L’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs« . « Indispensable. Un livre culte! ». C’est clair: dans une autre vie, Miss Kittin aurait pris une guitare et hurlé dans un micro. A la place, Caroline Hervé de son vrai nom, née à Grenoble en 1973 (soit un peu trop tard pour le punk), est devenue DJ, artiste électro parmi les plus réputées, l’une des rares femmes aussi à s’être fait une place dans le milieu. « Mais je retrouve dans le punk des choses essentielles, comme les idées d’intégrité et de renouveau. »

Ainsi, c’est sur sa structure qu’elle vient de sortir son second album solo, Batbox. Pour le coup, elle s’est associée à Rob Reger, le créateur du personnage gothique Emily the Strange, ado bizarre aux longs cheveux noirs, yeux noirs, robes noires. « En même temps, je ne trouve pas que l’album soit sombre. C’est un disque profond. Or la profondeur, c’est aussi aller dans le noir. Quand on s’enfonce dans une grotte, il n’y a plus de lumière. » Rob Reger a donc réalisé l’artwork de l’album. Un vrai partenariat, même si aucun contrat n’a été signé. « Chacun y trouve son compte. Rob est ravi d’avoir un pied dans l’électro. Ça lui donne une respectabilité et ça étend sa zone d’influence. Et moi, ça me donne une qualité graphique indispensable étant donné que je ne voulais pas figurer sur la pochette. J’ai envie de cultiver le mystère pour avoir le paix »

Se cacher. Miss Kittin n’a jamais complètement accepté le jeu de la notoriété. Question de culture: dans la techno, l’absence d’image a longtemps été la règle. Or, quand Miss Kittin connaît ses premiers hits avec son comparse The Hacker, c’est elle qui se retrouve au devant de la scène. « Jeff Mills m’a dit un jour: Tu as la chance de pouvoir écrire des chansons et d’aller là où nous ne pouvons pas tous aller . Mais pendant longtemps, j’ai dit non à ça. Je n’avais pas la force. Je craignais d’être utilisée. «  Les choses semblent avoir un peu changé. La jeune femme dit avoir fait « la paix avec sa part d’ombre ». Pour cela, elle s’est offert un break, et a quitté Berlin pour rejoindre Paris. « Auparavant, j’avais peur d’être aimée pour ce que je faisais, mais pas pour ce que j’étais. Aujourd’hui, le rapport s’est inversé. J’ai pris conscience d’avoir une fonction d’observatrice, d’écrivain musical dans ce monde. Peu importe qu’on ne m’aime pas pour ce que je suis, ça ne regarde personne après tout, c’est privé. Quand on a compris ça, on est libre. »

Batbox sonne donc comme une heureuse récréation avant d’embrayer par une nouvelle collaboration avec The Hacker. Entre électro-clash et dark-pop, l’album compte treize morceaux. Comme l’âge auquel est restée bloquée Emily the Strange, fait-on remarquer. « C’est un chiffre porte-bonheur pour les gens bizarres », sourit Miss Kittin…

u Batbox (Nobodys Bizzness/News). Miss Kittin jouera au Fuse, à Bruxelles, ce 1/03. u www.misskittin.com

LAURENT HOEBRECHTS

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