Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

LE QUATRIÈME VOLUME DES BOOTLEG SERIES CONSACRÉES À MILES COUVRE, À TRAVERS LE FESTIVAL DE NEWPORT, LES VINGT ANNÉES LES PLUS CRÉATIVES DE SA CARRIÈRE.

Miles Davis

« At Newport 1955-1975- The Bootleg Series Vol. 4 »

COLUMBIA RECORDS 81952 (SONY MUSIC).

8

La première apparition de Miles à Newport a lieu lors de la deuxième édition d’un festival devenu depuis le modèle de tous ceux qui fleuriront ensuite chaque été. Miles, en fait, n’y était pas invité, mais, guéri de son addiction à l’héroïne et se trouvant à un tournant de sa carrière, il sait que Newport est le lieu idéal pour y annoncer son grand retour. A force d’insistance, George Wein, son organisateur, finit par ajouter le trompettiste à un all star hétéroclite (comprenant notamment Zoot Sims, Gerry Mulligan et Thelonious Monk) programmé lors de la soirée de clôture. L’invité de dernière minute va tranquillement imposer à tous son autorité, obtenant même de Monk qu’il s’abstienne de jouer sur Now the Time. Pour sa prestation de 1958, Miles, à la tête du sextette d’un Kind of Blue encore à venir, se produit cette fois lors de l’ouverture du festival. Si cette soirée, dédiée à Ellington, voit tous les participants interpréter des compositions du Duke, Miles, pour sa part, reste fidèle à son répertoire (Ah-Leu-Cha, Straight No Chaser, etc.) auquel Coltrane mettra le feu (CD1).

Miles ne reviendra à Newport qu’en 1966 avec le Second Great Quintet pour une prestation mélangeant l’ancien et le nouveau. Il remettra ça l’année suivante, lorsque Tony Williams, Herbie Hancock, Ron Carter et Wayne Shorter se montrent, sous sa direction, encore plus radicaux sur un répertoire où brille Footprints (CD2). En 1969, c’est le Lost Quintet (Shorter, Chick Corea, Dave Holland et Jack Dejohnette) qui y est invité. Mais le saxophoniste, pris dans les embouteillages, obligera Miles à interpréter en quartette les électriques It’s About That Time, Sanctuary et un Miles Runs the Voodoo Down dont il manque la fin (CD3). Newport, ce sera aussi les tournées européennes effectuées sous l’égide du festival dont témoigne, en 1971, un formidable concert suisse avec un septette où Keith Jarrett est le seul claviériste (la totalité du CD4) ou, encore, une prestation à la Philharmonie de Berlin en 1973 (avec Dave Liebman aux saxes) dominée par les guitares hendrixiennes de Pete Cosey et Reggie Lucas pour une musique encore en gestation. Enfin, après que George Wein a relocalisé le festival à New York, Miles y donne en 1975 l’un de ses derniers concerts (représenté ici par le seul Mtume) avant de se retirer (pour cause de maladie et d’addictions diverses) de la vie publique durant cinq longues années (CD3). Inégal, Miles at Newport ne contient hélas pas que des inédits (la prestation de 1958 figurait déjà sur… Miles at Newport 58, alors que le concert de 1969 est paru en totalité sur Bitches Brew Live) et n’est pas non plus une intégrale de ses prestations dans le cadre du festival, la majeure partie des concerts de 1967 du Newport Jazz Festival in Europe figurant sur le premier volume de la série. Pour autant, ce quadruple album, même s’il n’en respecte pas totalement les règles, ne dépare pas la série des BootlegSeries en offrant un condensé de deux décennies qui firent de Miles la première superstar de l’histoire du jazz.

PHILIPPE ELHEM

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