LA POLITIQUE DU PIERCE – CLASSIQUE DU FILM NOIR, MILDRED PIERCE DE MICHAEL CURTIZ RESSORT EN COPIE NEUVE. AVEC JOAN CRAWFORD, IMPÉRIALE (ET OSCARISÉE) EN MÈRE SACRIFICIELLE.

DE MICHAEL CURTIZ. AVEC JOAN CRAWFORD, JACK CARSON, ANN BLYTH. 1 H 51. 1945. SORTIE: 14/03.

On est encore sous l’effet de l’exceptionnelle mini-série qu’avait tirée Todd Haynes du roman de James M. Cain que la Cinematek prend l’excellente initiative de ressortir, en copie neuve, le Mildred Pierce de Michael Curtiz. Tourné en 1945, à une époque où Cain était particulièrement en vogue ( Double Indemnity était sorti 12 mois plus tôt, et The Postman Always Rings Twice allait suivre un an plus tard), le film évolue au croisement du film noir et du mélodrame. Et s’ouvre, schéma classique, sur une scène de meurtre, celui de son second mari, dont s’accuse bientôt Mildred Pierce, le scénario en flash-back suivant le fil de sa déposition. Soit l’histoire d’une femme de condition modeste gravissant l’échelle sociale dans l’Amérique de la grande dépression, ascension surtout guidée par le désir de contenter sa fille, Veda, dont l’ingratitude et le matérialisme forcené vont conduire sa mère à des sacrifices toujours plus grands.

Là où Todd Haynes privilégiait la teneur mélodramatique du propos, Curtiz en accentue les éléments noirs -postulat induit par la structure même du scénario, particulièrement habile au demeurant, et souligné encore par l’étincelante photographie en noir et blanc d’Ernest Haller, dont les contours expressionnistes donnent au film des allures d’archétype du genre.

Au bout du désarroi

S’il y a là un « murder mystery » de premier ordre, le n£ud de Mildred Pierce n’en reste pas moins ce rapport mère-fille se dérobant à la raison, et valant au film une intensité peu banale, qui l’a érigé au rang de classique absolu, tout en lui conférant une résonance intemporelle.

Mais si Mildred Pierce laisse une empreinte indélébile, il le doit aussi à Joan Crawford, qui se révèle tout simplement impériale dans le rôle titre, signant une prestation d’une ampleur toute tragique sous les traits de cette femme dont le destin s’apparente à un long voyage au bout du désarroi. Non contente de relancer et de reprofiler sa carrière, Mildred lui vaudra d’ailleurs son unique Oscar. On ne se lasse à vrai dire pas de revoir son affrontement avec Ann Blyth, Messaline vénéneuse et femme futile et fatale à la fois, cette relation dévorante s’érigeant en c£ur palpitant d’un film à ranger, au même tire que Casablanca et Robin Hood, parmi les incontournables de son auteur. l

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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