Après Vincent Cassel, le réalisateur Jean-François Richet revient sur l’aventure d’un film qui l’a accompagné pendant quatre ans.

J’aime les personnages qui disent non, et sont en résistance, toujours. » Entre Jean-François Richet et Jacques Mesrine, le rapport est de l’ordre de la fascination. De l’évidence aussi, à l’en croire; cette évidence sur laquelle le réalisateur d’ Etat des lieux et Ma 6-t va cracker forgea sa conviction qu’il ne laisserait à personne d’autre le soin de réaliser cette (double) biographie.  » Lorsque je suis parti aux Etats-Unis tourner Assaut sur le Central 13 (Ndlr, version 2005 du film éponyme de John Carpenter), se souvient-il, alors qu’on le rencontre dans un hôtel bruxellois. Je savais que le projet Mesrine se préparait. Déjà alors, sans même avoir eu de contact avec le producteur Thomas Langmann, j’étais sûr qu’il ne se ferait pas sans moi. Tant de réalisateurs avaient déjà été attachés au projet qu’il fallait bien que mon tour vienne. Et lorsque je suis revenu des USA, Thomas me l’a proposé. »

Aboutissement on ne peut plus simple, en somme, pour une entreprise au parcours chahuté – entre les divers réalisateurs envisagés, et les revirements calculés de Vincent Cassel ( voir Focus du 17/10), futur ennemi public n°1 à l’écran.  » J’ai mis deux conditions quand on m’a proposé le projet, poursuit Jean-François Richet: le retour de Vincent Cassel, qui s’était retiré parce que le premier scénario ne lui convenait pas, étant dépourvu de zones d’ombre. Et une réécriture complète du scénario. Ces deux conditions réunies, nous avons pu commencer à travailler – sans Vincent, je n’aurais jamais fait ce film. Il était le seul à pouvoir interpréter Mesrine comme je le souhaitais. »

En l’occurrence, conformément à une vision que le ci-néaste nourrit d’abord de souvenirs d’adolescence:  » Je savais qu’il avait un code d’honneur, que c’était un gangster qui avait défié l’Etat, et qu’il avait été abattu par cet Etat. » Profil qu’il approfondira en travaillant sur le personnage:  » J’ai ressenti son côté dramatique et sa lucidité. On trouve dans son testament, qu’il enregistre trois jours avant sa mort à destination de sa compagne, des phrases qui permettent de prendre la mesure de l’individu, comme lorsqu’il dit: Il n’y a pas de héros dans le gangstérisme ou Je suis dans une prison dont on ne s’évade pas. Il était prisonnier de son personnage, et en était bien conscient. »

Voilà en tout cas pour la façade – celle, également, dont on fait les mythes, au-delà de la profonde ambiguïté du personnage.  » S’il est devenu une icône, poursuit Richet , c’est, je pense, parce qu’à la différence d’autres gangsters, il est sympathique, il a un code d’honneur. Ce n’est pas une crapule dans la mesure où il ne touche pas au proxénétisme, ni à la drogue. Il va simplement chercher l’argent où il se trouve, c’est-à-dire dans les banques qu’il estime plus voleuses que lui. Une seconde raison tient au fait que les Français aiment bien les gens qui disent non à leur place. En l’occurrence, il se permettait de ridiculiser l’Etat, il donnait des interviews à des grands magazines comme Paris Match et il s’en prenait personnellement au Garde des Sceaux, alors que toutes les polices de France le recherchent. Ces deux paramètres contribuent à façonner une légende dans laquelle il rentre définitivement lorsqu’il est abattu en plein Paris… »

Soit. Voilà toutefois qui reviendrait à exonérer à bon compte Mesrine d’agissements guère justifiables, ce dont convient d’ailleurs Jean-François Richet:  » Il y a des actes inacceptables, c’est vrai, son attitude avec sa femme, par exemple. La difficulté, comme metteur en scène, c’est de comprendre le personnage sans nécessairement accepter les actes qu’il a pu faire. Mesrine est empreint de contradictions, comme tout le monde. Sauf que lui, il va beaucoup plus loin. Il n’est pas dans le fantasme, il est dans la réaction instinctive. J’ai veillé à ne pas le trahir. Ce qui m’intéressait, c’était son arc psychologique. » Trop et pas assez de distance? Faute d’avoir su aller au-delà de la simple juxtaposition d’images, le film échoue dans cette ambition, pour brosser au final un portrait de Mesrine qui a à la fois les accents de la vacuité et ceux de la complaisance. Quant à Richet, après quatre ans consacrés au projet, il s’apprête à passer à autre chose:  » J’aimerais faire un film sur la Drug Enforcement Administration, aux Etats-Unis et au Mexique. Mais je me donne encore deux mois pour me décider… »

Entretien Jean-François Pluijgers

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