Vincent Cassel campe un Mesrine saisissant dans la biographie que lui consacre Jean-François Richet. Il revient sur le mythe et l’individu.

S’il ne fallait retenir qu’une chose du Mesrine de Jean-François Richet, ce serait sans aucun doute sa performance: Vincent Cassel, c’est Jacques Mes-rine, ou peu s’en faut, de saisissantes transforma-tions (et 20 kilos) à la clé. Là, tandis qu’on le retrouve dans un hôtel du centre de Bruxelles où il est venu assurer le service après-vente, l’acteur s’emploie à recadrer les choses:  » Petit ou gros, mon implication sur les films est toujours la même. » Reste que, s’agissant de l’ex-ennemi n°1, incarné à l’écran sur une vingtaine d’années, il s’avère intarissable.  » Je n’ai pas la culture Mesrine« , précise-t-il cependant, à toutes fins utiles:  » Je n’étais pas spécialisé dans le personnage, ne lui vouait pas une fascination particulière. Je le voyais plutôt à travers l’idée que s’en faisaient les gens, cette espèce d’image de révolutionnaire. Etait-ce un salaud, était-ce un héros, je ne savais pas trop bien quoi en penser, mais je voyais l’importance qu’il avait dans l’inconscient collectif. Après, j’ai étudié un petit peu. »

Après, à savoir lorsqu’il fut approché par Thomas Langmann, producteur à l’origine du biopic.  » D’un commun accord, nous avons choisi de confier le projet à Barbet Schroeder, se souvient-il. Mais il est parti dans une direction qui ne me correspondait pas, c’était trop manichéen, dans le sens de Mesrine. Les gentils gangsters, les méchants policiers, on perdait complètement l’ambiguïté du personnage, alors que c’était ce qui m’intéressait en premier lieu. J’ai bluffé à l’époque, et me suis retiré du projet, en espérant secrètement qu’il se casserait la gueule, et que je pourrais revenir à l’attaque… »

Stratégie payante puisque le film porte aujourd’hui incontestablement la griffe de Cassel, de chaque plan, et sous d’innombrables coutures – on jurerait presque avoir ici affaire au gang des postiches:  » Sur le papier, ça paraît idéal pour un acteur, mais il y a des pièges, cela peut vite être ridicule. Le personnage change tout le temps, mais il faut que les spectateurs puissent suivre une personne et qu’ils aient envie d’y croire. Bien que je ne lui ressemble pas, on doit pouvoir se dire, à la fin du film, c’est incroyable, ce qu’il ressemble à Jacques Mesrine . »

Sur ce plan, le pari est incontestablement réussi. On est plus dubitatif par contre sur le point de vue adopté, ou plutôt sur son absence, le film se bornant, pour l’essentiel, à aligner les (hauts?) faits de l’individu, sans guère s’arrêter, par exemple, sur le contexte historique ou politique.  » Nous voulions raconter un personnage, c’est cela que le public a envie de voir. Voir un exposé politique sur la France de cette époque-là n’était pas intéressant. Par contre, il était primordial d’avoir en filigrane quelque chose qui parle des mentalités et de leur évolution au cours de ces vingt années. C’est un arrière-plan, une partie de l’histoire de France vue à travers un petit personnage de Clichy. »

Quant au parcours politique du personnage, tout sauf anodin, et qui le conduit de l’extrême droite à l’extrême gauche, pour finir en une sorte d’icône anar – ce que le film ramène à quelques péripéties?  » L’arche du personnage est celle-là, en effet. On part éventuellement de l’OAS pour finir éventuellement avec les Brigades Rouges – ce n’est pas marqué. L’icône anar, du contre-pouvoir, il ne la crée pas le premier, c’est une presse de gauche qui utilise le personnage de Mesrine naissant comme une icône du contre-pouvoir des années Giscard. Lui, il y prend goût, dans le souci de rentrer dans la légende, et en meurt. Il n’est pas mort à cause de ce qu’il a fait, mais de ce qu’il a dit. En 1978, c’est la personnalité préférée des Français, il commençait à menacer carrément le gouvernement, et ils ont considéré que cela avait assez duré. »

Pas un héros

Mesrine exécuté dans les rues de Paris, tout est en place pour que le mythe s’installe, durablement:  » En France, il est resté une icône, relayée par les générations. Et, comme par hasard, c’est dans les quartiers défavorisés qu’il l’est de la manière la plus forte. Parce qu’il dit non au gouvernement, non à la police, et qu’il est prêt à payer le prix, quel qu’il soit. Du coup, forcément, cela inspire les gens révoltés… »

Quant à Vincent Cassel, les 9 mois de tournage passés avec le personnage en ont-ils changé sa perception?  » Pas beaucoup. Salaud ou héros, c’était les deux. Sa manière de faire était brillante, d’une grande lucidité. Mais je n’aurais pas pu être ami avec un type comme ça. A partir du moment où quelqu’un règle ses comptes à coups de revolver, on ne peut pas discuter. Il l’a dit lui-même: il n’y a pas de héros dans la criminalité… »

Entretien: Jean-François Pluijgers

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