Mes hommes ****

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Il y a des choses que je ne pourrai jamais avouer. Il y a des choses qui sont beaucoup trop grandes. […] Vous êtes bien trop nombreux.” Ainsi s’exprime Belle Gunness (jadis Brynhild Storset), dans ce qu’on présume la fin de sa trajectoire. Réelle fille de ferme norvégienne émigrée aux États-Unis, elle fut considérée comme l’une des premières tueuses en série. Victoria Kielland la cueille à l’âge des premiers émois (et des désillusions porteuses de stigmates), prise puis laissée à son sort par un homme qui a abusé de son ascendant: “C’est tout ce que je suis, c’est tout ce que j’ai -un savoir capable de saturer de souillures sombres n’importe quel cœur humain, aussi minuscule fût-il.” Sans occulter les actes perpétrés ensuite sur des hommes aimés jusqu’au vacillement, l’autrice norvégienne choisit dans cette exofiction impressionniste et impressionnante la tentative de compréhension d’une psyché plutôt que le jugement sans appel. Si l’on pense parfois à Captive de Margaret Atwood (et les doutes distillés sur la personnalité et culpabilité de sa protagoniste, Grace Marks), Kielland cultive davantage -et dans une langue au plus près du corps et des pensées, qui irradie, ingère, recrache- la zone poreuse qui s’immisce entre “charnelle” et “carnassière”, entre “vulnérable” et “fissurée”.

De Victoria Kielland, éditions Dalva, traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, 220 pages.

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