à la fois paumée et bonne Fée, Isabelle Huppert joue les mères anticonformistes dans l’attachant Copacabana de Marc Fitoussi. Ostende, son personnage, sa fille… elle nous dit tout.

C’est une comédie, et elle s’y épanouit. C’est un film de critique sociale, et elle s’y retrouve, aérienne et libre. Isabelle Huppert joue un très beau personnage dans Copacabana ( lire notre critique page 26), celui d’une mère au comportement immature, sans doute, mais surtout affranchie de toute obligation productiviste. Au travailler plus pour gagner plus, Babou préfère vivre plus pour vivre mieux. Face à sa propre fille Lolita Chammah, Huppert brille de mille feux dans un film gentiment libertaire, un de ces chemins de traverse qu’elle privilégie désormais.

Il y a dans votre personnage quelque chose de gracieux, qui lui permet de passer en un clin d’£il ou presque du statut de paumée ratant sa vie à celui de bonne fée illuminant celle des autres…

Je n’avais pas clairement identifié cette dimension à la lecture du scénario, mais le film tient du conte. C’est en le tournant, puis en le voyant terminé, que j’ai réalisé à quel point Marc Fitoussi assumait une tournure optimiste, qui est pour lui un choix quasi éthique. Il tenait à donner sa chance au personnage, mais aussi à tout ce qu’elle incarne, tous ces laissés-pour-compte passés de l’idéalisme au rôle de victime, qui restent dans la logique de 1968 et qui ont zappé les années 80 et 90, celles de l’individualisme forcené. Babou est pétrie de bonnes intentions pour elle-même mais aussi pour les autres. C’est quelqu’un de très généreux, un peu anarchiste, qui possède en effet une forme de légèreté, de grâce. J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à jouer ce personnage qui met beaucoup de couleur dans ses actes mais aussi dans son apparence. Tout chez elle est exagéré: le maquillage, les vêtements. Et les mots! S’il n’y a pas des phrases comme (1)  » A cet âge-là c’est mignon, c’est plus tard que ça vous chie sur la gueule« , il n’y a pas de personnage…

Que pensez-vous de ce que le film nous dit, et qui s’inscrit à rebours de la tendance à faire travailler plus, à rallonger la durée du travail?

Il y a dans le film une dimension de critique sociale, pas du tout pesante mais qui fait tout son prix. C’est un film sur une mère et sa fille, certes, mais aussi sur le monde du travail, sur la médiocrité d’un univers où les petits chefs sont beaucoup plus redoutables que les grands, et où le chômage fait régner un climat délétère, où l’on veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

L’action de Copacabana vous emmène à Ostende. La ville est présentée comme un paysage mental, mais que retenez-vous concrètement de cette expérience à la côte belge?

J’avais déjà séjourné à Knokke-le-Zoute, c’est une partie de la côte belge que j’ai toujours aimée. Ostende est très cinématographique dans ses paysages, et puis il y a les réminiscences des peintures d’Ensor, de Spilliaert… En plus, les 2 premières nuits, j’ai logé dans l’hôtel qui a inspiré à Thomas Bernhard sa pièce Minetti (2). Je n’ai pas eu envie d’y rester ( rire), mais on comprend que Thomas Bernhard ait pu y avoir l’idée d’écrire sa pièce…

Par-delà l’anecdotique, quel a été l’impact pour vous de tourner avec, dans le rôle de votre fille de fiction, votre fille dans la vie réelle?

C’est un peu grâce à elle que j’ai fait le film. Elle avait joué dans le film précédent de Marc Fitoussi, et ils sont très amis. La proposition d’un jeune cinéaste que je ne connaissais pas m’est arrivée de la plus belle des façons. Un peu privée, un peu familiale, avec ce que cela suppose de confiance… Mais aussi de méfiance (par rapport à l’aspect médiatique des choses) que Marc a réussi à déjouer. J’ai ressenti du plaisir à vivre cette aventure avec Lolita. C’est comme quelque chose qu’on s’est donné l’une à l’autre…

Que lui faudra-t-il, selon vous, pour faire son chemin d’actrice?

La même chose qu’à tous les acteurs du monde: la capacité de résistance. Résistance aux échecs, à l’attente, supporter le succès, aussi, ce qui n’est pas toujours chose facile. Il faut une volonté, un courage, extrêmes. Ceux qui arrivent sont ceux qui ont su résister, qui ont su attendre et ne jamais lâcher. C’est vraiment un parcours du combattant, plus encore pour les metteurs en scène, et plus encore pour les metteuses en scènes… Pour les acteurs, savoir dire oui aux bonnes choses, et non aux mauvaises, est essentiel. C’est autant une question de structure mentale que de talent. l

(1) à une mère de famille promenant son tout jeune enfant.

(2) L’hôtel des Thermes.

Rencontre Louis Danvers

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