Elle a accumulé une belle série de hits avec TEXAS. Pour la première fois, SHARLEEN SPITERI s’échappe en SOLO.

l aura fallu le temps, mais cette fois-ci, ça y est: Sharleen Spiteri a sorti son premier disque solo. « Ma firme de disques m’avait déjà poussée à le faire auparavant, mais je n’en avais jamais vraiment vu l’intérêt. Quand je me suis finalement lancée, tout le monde était étonné. » Même dans les moments de creux qui ont suivi les premiers tubes de Texas ( I Don’t Want A Lover, en 1989, quand même), la chanteuse n’a en effet jamais lâché ses troupes. Avec Melody, la voilà qui franchit le pas.

Pro mais détendue, installée dans le lobby d’un luxueux hôtel, elle s’explique. « D’un côté, la plupart des membres du groupe s’étaient lancés dans d’autres projets. A la limite, j’étais la dernière à ne pas faire un truc dans mon coin. De l’autre, les chansons qui me venaient en tête avaient une identité et un son qui ne correspondaient pas tout à fait à Texas. » Spiteri traverse en fait à ce moment-là une mauvaise passe: elle se sépare du père de sa fille. « Cela a été très soudain. Quand quelque chose comme ça vous arrive, vous ne pouvez que vous questionner et remettre tout en cause. Vous vous demandez ce que vous voulez faire de votre vie tout simplement. Quand je me suis mise à composer des chansons, je me suis donc rapidement rendu compte que je devais faire ça par moi-même et réaliser mon disque. » L’Ecossaise n’a jamais lâché grand-chose sur sa vie privée. La voilà pourtant qui en fait le centre de son propos. « C’est vrai que je suis assez réservée sur le sujet. La décision n’a pas été facile à prendre. Mais à la fin de la journée, cette séparation était malgré tout connue de tous. C’était devenu public, que je le veuille ou non. Peu importe ce que j’allais faire ou dire ensuite, on allait l’interpréter à partir de ces événements. Donc autant se lancer. Et puis, tous les disques qui m’ont marquée, je dois bien l’avouer, sont ceux dans lesquels les gens s’exposent et se mettent à nu. Donc si je voulais faire preuve d’un peu de courage, si j’avais vraiment des c…, il fallait que je fasse cet album. »

SEULE MAÎTRE À BORD

Voilà donc Melody, et ses 11 titres qui piochent allègrement dans une esthétique vintage, façon soul sixties. C’est le fil rouge, et le paradoxe, d’un disque personnel qui multiplie les hommages. Parfois de manière très (trop) appuyée: ici c’est Gainsbourg (le basse du morceau Melody, qui renvoie à une autre Melody, Nelson forcément), John Barry ou Françoise Hardy ( Françoise); là c’est encore Lee Hazlewood et Nancy Sinatra ( I’m Going To Haunt You), ou le son Motown ( Don’t Keep Me Waiting). Un peu comme si libérée de son groupe, lâchée dans les rayons d’une gigantesque boîte à musiques, Sharleen Spiteri avait cherché à assouvir tous ses fantasmes en une fois. N’empêche: à l’image du single All The Times I Cried qui pompe les Shangri-Las, cela reste d’une efficacité redoutable, brillant même…

Se pose malgré tout un problème. En déboulant aujourd’hui avec de telles références, Spiteri arrive après tout le monde. En tous cas à la suite d’Amy Winehouse ou Duffy (dont elle partage le producteur, Bernard Butler, sur un titre). Elle évacue la question rapidement: « C’est peut-être vrai, mais vous aurez certainement remarqué que ces influences étaient déjà présentes dans Texas. » Juste: le groupe a samplé Gainsbourg ( Guitar Song) et régulièrement fait prendre un virage soul à sa pop ( Black Eyed Boy, Say What You Want… ). Mais jamais de manière aussi manifeste. « D’accord, mais c’est parce que dans Texas, je n’étais pas seule maître à bord. »

C’était donc le cas cette fois-ci. Il y a pu y avoir la peur de ne plus pouvoir en partie s’appuyer sur les autres. Mais on devine qu’il y a surtout eu la découverte d’une nouvelle liberté. Même si cela peut étonner, tant Spiteri est toujours apparue comme la figure de proue de Texas.  » On a toujours fonctionné dans la concertation. Toujours. C’est ce qui fait un groupe, un son. Donc, le côté agréable de Melody, c’est que je ne devais pas me justifier en permanence. J’ai pu avancer à ma guise. » Un exemple? « Les autres me reprochaient toujours de ne pas aimer tout ce qui est cymbales, hi-hats, caisse claire… Ce n’est pas vrai! J’adore ça, mais j’ai un son très précis en tête, une couleur très particulière… Pour un titre comme All The Times I Cried par exemple, on est parti sur un simple click-track. A partir de ce rythme basique, on a enregistré les autres parties petit à petit: voix, orgue, cuivres… Calmement, simplement. A la fin seulement, j’ai rajouté les cymbales, les hi-hats, et la caisse claire. On m’a regardé avec des grands yeux. Mais c’est comme ça que cela a pu fonctionner. »

RESPIRATION

De fait, Sharleen Spiteri a une idée très précise en tête. D’ailleurs, elle se passera d’un second titre concocté avec Bernard Butler ou d’un autre auquel avait participé John Barry. « Les morceaux étaient vraiment bien mais ne collaient pas avec le reste. Cela déséquilibrait l’ensemble. Bah, on pourra les utiliser plus tard.. . Faire un disque, c’est emmener les gens en voyage, et il faut que cela tienne la route. De ce point de vue, je reste assez classique: j’aime bien l’idée d’un album qui constitue un tout cohérent. Même les blancs entre les morceaux, je veux les réfléchir. Certains se contentent de glisser automatiquement deux secondes entre chaque titre. Pas moi. Les respirations peuvent, doivent même, varier d’une chanson à l’autre. » En fait, en empruntant au passé les formes de ses chansons, Spiteri en dit peut-être davantage sur elle-même que ce que peuvent dévoiler ses textes. « Je suis romantique, nostalgique. En fait, j’aime la façon dont mon père et ma mère m’ont éduquée: à croire en moi, à penser que si vous voulez quelque chose assez fort, que vous bossez assez dur, vous pourrez peut-être l’obtenir… Je me fous complètement d’être célèbre. Ce qui compte, c’est d’abord la chanson. Je préférerais continuer à faire des disques, sans que personne ne sache à quoi je ressemble, plutôt que de sortir des bouses qui se vendent à cause d’une nouvelle coiffure. » Foi de Spiteri.

Melody chez Universal

www.sharleenspiteri.co.uk

ENTRETIEN LAURENT HOEBRECHTS

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