Melina Matsoukas, rebelle avec une cause

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Si son nom n’est guère familier des cinéphiles, Melina Matsoukas, la réalisatrice afro-américaine de Queen & Slim, est loin d’être une inconnue. D’ascendance jamaïcaine et cubaine par sa mère, grecque et juive ashkénaze par son père, cette native du Bronx, formée à la New York University’s Tisch School of the Arts, entame son parcours professionnel en 2006 dans l’univers du clip musical. Et de se faire rapidement un nom dans le r’n’b auprès de Shareefa d’abord, pour qui elle aligne plusieurs vidéos; de Beyoncé ensuite, avec qui débute une collaboration privilégiée l’année suivante, qui résultera en une dizaine de clips, de Green Light à Formation, la future cinéaste étant par ailleurs créditée comme consultante créative pour l’album 4, paru en 2011. D’autres noms prestigieux s’ajoutent rapidement à sa vidéographie, Matsoukas étant associée, au fil des ans, à Snoop Dogg, Jennifer Lopez, Kylie Minogue, Lady Gaga, Katy Perry, Rihanna, et l’on en oublie. La liste est, en tout état de cause, impressionnante, ses clips lui valant une reconnaissance unanime, attestée par des distinctions en pagaille, en tête desquelles des Grammy pour We Found Love, de Rihanna, et Formation, pour Beyoncé.

Bonnie & Clyde revisités

Multi-consacrée par l’industrie musicale américaine, l’artiste décide alors d’élargir son horizon, dirigeant, à compter de 2016, plusieurs épisodes des séries télévisées Insecure et Master of None. Petite cause, grands effets: c’est sur cette dernière qu’elle fait la connaissance de Lena Waithe, future scénariste de son premier long métrage, Queen & Slim. Un duo électrique, à en juger par le résultat, un film à l’agenda politique limpide et à l’urgence manifeste, l’histoire d’un couple de jeunes Noirs américains qu’un contrôle de police tournant à la bavure transforme en fugitifs lancés sur les routes états-uniennes, figures charismatiques n’étant pas sans évoquer les Bonnie & Clyde d’antan.

Si elle a le sens aiguisé de la composition, Melina Matsoukas aime aussi se jouer des stéréotypes en effet, comme pour mieux se réapproprier le paradigme hollywoodien, elle qui exprimait au quotidien Le Monde lors de la sortie française du film sa volonté de porter à l’écran  » une histoire d’amour noire, où nous ne sommes pas que des victimes, mais des êtres complexes, beaux, puissants et vulnérables ». Sans doute ne faut-il pas chercher ailleurs que dans cet « empouvoirement » les raisons de l’ostracisme sinon inexplicable dont Queen & Slim a fait l’objet dans la course aux Oscars. Ce qui, en tout état de cause, ne devrait pas entamer la détermination d’une réalisatrice que son premier long métrage, mieux qu’une promesse, impose comme une voix appelée à compter dans le concert cinématographique…

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