Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

BD à charge – Inconnu sous nos latitudes, le dessinateur et scénariste italien Paolo Cossi s’attaque au génocide arménien dans un album violemMent instructif.

De Paolo Cossi, Éditions Dargaud, traduit de l’italien.

Même en dessin, les atrocités commises lors du génocide arménien ne passent pas. Dès les premières pages, Paolo Cossi nous plonge dans la lâcheté d’une barbarie qui ne veut pas dire son nom. Soldats de l’armée turque aux premières heures de la Grande Guerre, des Arméniens sont désarmés par leurs supérieurs turcs sous prétexte que la guerre est terminée. En réalité, le fallacieux motif a pour unique objectif de les massacrer sans risquer une rébellion. Tel du bétail, par peloton entier, les braves bidasses sont passés à la mitrailleuse et envoyés dans les bras de la grande faucheuse.

Quelques pages plus loin, dans un noir et blanc implacable, ce sont de paisibles villageois qui subissent la vindicte moyenâgeuse des hommes d’Enver Pacha. Comment peut-on avoir envie de dessiner ça?  » C’est assez simple, s’excuse presque Paolo Cossi. Un ami qui effectue des recherches en Turquie m’a parlé du génocide arménien. J’en savais peu sur le sujet et je me suis documenté. Avec ce que j’ai découvert, je me suis étonné que l’on n’évoque pas plus cette tragédie. Comme je suis dessinateur, j’ai décidé d’en parler dans une BD. »

En 1894, les Arméniens étaient au nombre de trois millions. A la fin de la Première Guerre mondiale, on estime que deux tiers d’entre eux avaient disparu.  » Cette tragédie est le premier génocide du XXe siècle, explique Cossi. Je pense d’ailleurs qu’elle a facilité l’extermination des juifs 25 ans plus tard. Devant la réticence de certains dignitaires nazis à mettre en place la solution finale, Hitler aurait eu cette phrase: ‘Mais qui se souvient encore du génocide des Arméniens?’ Une fois l’album refermé, j’espère que le lecteur aura envie d’en savoir plus. Je propose une introduction. A lui de poursuivre l’histoire. »

Un sujet polémique

Reste que le sujet est polémique, la Turquie refuse toujours de reconnaître officiellement cette sombre page de son histoire.  » J’ai rencontré deux difficultés lors de la réalisation de ce livre, poursuit Cossi. La première, purement pratique, était de dénicher la bonne documentation, celle qui fait référence. La seconde était de ne pas tomber dans la caricature. Il faut bien comprendre que cette BD n’est pas une charge contre le peuple turc. C’est un témoignage pour que l’on n’oublie pas. »

Un témoignage qui par l’éloignement des faits évoqués risque de proposer une image biaisée par le ressenti de l’auteur. D’autant plus que celui-ci revendique un album dans lequel l’Histoire s’appuie sur des personnages réels et romancés. Un fait que ne conteste pas Cossi.  » Mon livre est engagé et je revendique mon pacifisme. Même si cela peut paraître utopiste et simpliste, je reste persuadé qu’il faut s’attaquer aux causes des guerres avant qu’elles n’arrivent. Si je fais l’analogie avec ce qui se passe actuellement au Congo, j’ai envie de dire qu’il faut éviter la maladie au lieu de tenter de la soigner avec des médicaments – des troupes de l’ONU en l’occurrence – une fois qu’elle est déclenchée. Dans mon livre, on constate que la race humaine est dirigée par deux sentiments: l’amour et la peur. A nous de faire le nécessaire pour que l’amour empêche toujours les effets ravageurs de la peur. »

Vincent Genot

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