Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

à partir d’outils bricolés, le Bruxellois rassemble musiciens européens et africains. Ou quand l’art de la récup’ rejoint celui de la débrouille…

Ça vous a une tête de quoi, un patamusicien? Vu d’ici, aucun signe distinctif ne semble trahir la profession (de foi) de Max Vandervorst (1961, Schaerbeek). La chevelure poivre et sel, peut-être, mèches légèrement en bataille de savant fou, qui seraient une manifestation de l’agitation intérieure qui pousse le bonhomme à détourner en permanence le quotidien. « Cela fait 20 ans que je fais le zot avec du brol, comme on dit. » En d’autres mots, cela fait 20 ans que Max Vandervorst manipule les objets le plus banals pour en faire des instruments. Offrez-lui un sachet de rasoir jetable, il en fait une flûte de pan. Ne laissez pas traîner vos couverts, il les pendra au plafond pour les transformer en mobile sonore…

Des instruments fabriqués main, il en a une cinquantaine, dispersés dans son domicile d’Evere. Au départ, il s’agit presque d’un accident. Clarinettiste aguerri, il s’amuse un jour à fixer le bec de l’instrument sur l’arrosoir qui traîne par là. « C’est comme ça qu’est né le saxosoir. J’en joue toujours. J’ai fait le compte: il a dû voir 29 pays. » Le but? « A chaque fois, je recherche la magie. Elle est là quand je manipule un objet et que le son qui en sort ne permet plus de le reconnaître. » Une manière de remettre la musique au c£ur même du quotidien, pour mieux le détourner. « En soi, le quotidien ne me paraît pas très stimulant. Il est trop insatisfaisant pour que la vie vaille d’être vécue. Donc j’essaie de le sublimer dans ce qu’il peut avoir de plus banal, trivial, voire moche: je travaille souvent avec des rebus, des déchets… Il doit y avoir un truc un peu post-soixante-huitard là-dessous, j’avoue…  » Et un côté écolo aussi, dans sa manière de recycler à tout va, tirant des sons d’objets parfois improbables. « Cela a toujours été ma démarche, c’est naturel pour moi. Mais aujourd’hui, c’est vrai que l’on vient de plus en plus souvent me chercher pour monter des spectacles autour de cette thématique. »

Patafrica

Récemment, Max Vandervorst s’est lancé dans un nouveau projet, baptisé Patafrica. Soit une rencontre nord-sud autour de la « lutherie sauvage ». A ses côtés, Zenon Kasanzi, danseur, musicien né au Congo, installé en Belgique. Ils sont les 2 pôles d’un groupe d’une petite dizaine de musiciens. « J’ai amené tout mon instrumentarium et on s’est démerdé », explique simplement le patamusicien en chef. « L’avantage quand on se retrouve par exemple autour d’un scoutophone, c’est qu’il n’y a plus de références. On est obligé d’être créatif, de trouver des nouvelles manières de fonctionner. » Exemple à l’appui: Max Vandevorst va chercher une bouilloire remplie d’un fond d’eau. « On s’amuse à improviser des dialogues entre les talking drums (petits tambours qu’on place sous l’aisselle, ndlr) et la bouilloire. » Et le musicien de se lancer dans une démonstration étonnante, l’instrument de cuisine trituré et frappé dans tous les sens se métamorphosant en une percussion multiforme. Il sourit, satisfait de son effet. « Ce qui est intéressant c’est de voir le rapport nord/sud changer complètement, on ne sait plus où on est. »

Evidemment, la pratique pataphonique (?) prend une autre dimension dans le contexte africain. Après tout, la récup’, la débrouille, le système D, c’est souvent la règle pour les musiciens congolais. « C’est vrai. Ici, la pratique a du sens parce qu’il y a trop. Là-bas, elle en a parce qu’il y a peu… »

Patafrica, centre culturel d’Auderghem, le 15/01. Rés.: 02.660.03.03

Laurent Hoebrechts

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