De Spike Jonze. Avec Max Records, Catherine Keener, Mark Ruffalo. 1 h 41. Sortie: 30/12.
Deux films réalisés au tournant du siècle ont fait la démonstration du talent singulier de Spike Jonze, l’apôtre d’un cinéma aussi intensément original que viscéralement cérébral -de façon presque littérale, même, qu’il s’agisse d’entrer Dans la peau de John Malkovich ou d’être en proie à l’angoisse du scénariste face à la page blanche d’ Adaptation. Voir, dès lors, le réalisateur s’atteler à la transposition à l’écran d’un livre pour enfants avait de quoi surprendre. Encore qu’il ait manifestement trouvé en Where the Wild Things Are (Max et les maximonstres, dans sa traduction française), le classique de Maurice Sendak, un matériau à la mesure de son imaginaire.
Ce récit, qui tient en quelques pages et guère plus de phrases, Jonze se l’approprie dès les premiers plans, où l’on découvre Max (Max Records), un jeune garçon turbulent, souffrant d’être négligé par sa s£ur aînée, affairée à de plus adolescentes préoccupations, comme par sa mère (Catherine Keener). Un esclandre retentissant plus tard, et voilà Max expédié vers ses pénates, qu’il délaisse bientôt pour faire voile vers un pays inconnu. La terre où il accoste est un monde étrange, régi par le chaos et peuplé de créatures imposantes aux émotions débridées, les Maximonstres. Max ne se démonte pas pour autant, et se voit même intronisé roi sur foi de ses mérites autoproclamés et de ses promesses de faire le bonheur de tout un chacun. Il ne tarde pas à découvrir à ses dépens que la tâche n’a rien d’une sinécure, un vent de rébellion s’emparant d’ailleurs de certains de ses sujets…
L’aventure, au coin de l’imaginaire
Ce voyage dans les rêves d’un enfant, Spike Jonze fait le pari d’en proposer la transcription littérale et réaliste. Where the Wild Things Are amène ainsi son protagoniste, et le spectateur avec lui, dans une contrée déroutante, un environnement sauvage où il le fait s’égarer, en proie aux sentiments les plus désordonnés. Le résultat est rien moins que saisissant, et renforcé par une imagerie hybride qui fait se mouvoir dans ce décor naturel des monstres en forme de marionnettes géantes que l’on croirait issus des Muppets (avec lesquels ils partagent un même concepteur, Jim Henson), en une représentation tour à tour inquiétante ou drolatique d’une famille dysfonctionnelle. L’aventure est au coin de l’imaginaire, et le réalisateur lui confère une dimension proprement magique, soutenue par la facture visuelle du film, tout bonnement étourdissante.
Au-delà de cet accomplissement formel, Max et les maximonstres réussit la gageure d’être filmé à hauteur d’enfant tout en parlant également aux adultes. Incursion dans un paysage enfantin dénué de toute niaiserie, Where the Wild Things Are s’avère aussi éminemment jonzien dans ses thématiques et sa manière, puisqu’il y est question, au bout d’un périple mouvementé et cérébral à sa façon, de trouver sa place dans le monde. L’aventure de Max fait ainsi écho à une perspective développée par l’auteur dans ses différents opus, cet ancrage personnel achevant de faire de ce film enfants et adultes admis une £uvre épatante.
Jean-François Pluijgers
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici