FRANÇOIS FORESTIER NOUS FAIT DÉCOUVRIR AVEC UN SI BEAU MONSTRE UN MARLON BRANDO COMPLEXE ET PRÉDATEUR, LOIN DES PAILLETTES ET DU RÊVE HOLLYWOODIEN.

Les Anglo-saxons appellent de tels bouquins des « page turners ». De fait, on ne lâche plus Un si beau monstre une fois sa lecture entamée. Et si le personnage de Marlon Brando n’en sort pas forcément grandi, le talent de son biographe s’impose avec éclat. Figure majeure du journalisme cinématographique en France, François Forestier a autant de style que d’érudition, deux éléments qui se combinent idéalement dans le portrait sans fard qu’il donne aujourd’hui de l’acteur hors norme, de sa vie s’assimilant à  » une longue recherche du malheur » . Sa première biographie, celle de Howard Hugues (1), avait permis à Forestier de découvrir  » un univers fascinant » et de voir émerger, durant son travail de documentation, les pistes  » conduisant à JFK, à Marilyn… et par voie de conséquence à Brando« .

Un si beau monstre n’est pas une biographie classique.  » On n’a pas besoin de tout raconter, nous explique son auteur, rien n’est fictionnel dans le livre, chaque détail est réel, mais la vision est celle d’un romancier. » Un romancier qui connaît bien, pour l’avoir exploré de près dans ses aventures journalistiques,  » ce monde de paillettes dont on découvre, dès qu’on gratte la surface, qu’il est en réalité absolument sordide« . Et d’ajouter, avec un grand sourire:  » J’aime ce côté sordide tout simplement parce que je crois que j’ai mauvais esprit… Il y a toujours une forme de jouissance à découvrir des choses déplaisantes. Quand on apprend que John Kennedy, qui était l’incarnation de la beauté, de la droiture, se comportait comme une merde humaine, c’est quand même formidable! Quand on sait que Marilyn, la si belle et pure Marilyn, ne prenait jamais de douche, c’est très bien aussi! Ou que Brando, incarnation du désir et d’une certaine perfection physique, n’a cessé de se détruire et de répandre le malheur autour de lui… »

Succès toxique

 » Le gamin qui avait débarqué à New York à la fin des années 40, avec sa gaieté, son plaisir à exister, a disparu très vite. Et ce fut la noirceur, la noirceur totale. » Amateur de polars, Forestier ouvre son livre à la manière d’un roman noir, par une scène (littéralement) balistique, captant notre attention immédiate pour ne plus nous lâcher jusqu’à une conclusion où il est question d’enfer.  » J’ai voulu mettre dès le départ la tragédie sur le devant de la scène, par une scène de crime (2) », commente l’auteur qui pense pouvoir chercher une part de l’explication des dérives de Brando dans un problème d’identité: « Tout s’est joué dès son enfance, où il fut maltraité par son père avec lequel il était en conflit permanent, et adoré par une mère qu’on retrouvait dans le caniveau… Il aura traversé la vie sans savoir vraiment s’il était un homme ou une femme, en répondant au désir des femmes comme des hommes, faisant donc des expériences homosexuelles qui, à l’époque, n’étaient pas faciles à assumer…  »

A ces considérations intimes, François Forestier ajoute une conviction plus large: « Le succès, la popularité, sont profondément toxiques! L’être humain n’est pas fabriqué pour ça. Dans 99 % des cas, les gens qui deviennent célèbres deviennent dingues. Ou drogués. Ou alcooliques. Ou autre chose encore. Ne plus pouvoir aller pisser sans que quelqu’un vous aborde pour vous demander de signer quelque chose, c’est un cauchemar absolu. Ca détruit, et parfois ça consume totalement. » A cela s’ajoute le fait que  » Brando n’avait aucune architecture morale, ne savait pas ce qui était mal ou bien, il a été lâché dans le monde sans guide ni repère » . Mais l’acteur a-t-il eu conscience de ce qui apparaît si évident au fil des pages évoquant ses errances?  » Au début, il était très lucide, il utilisait son charme de façon manipulatrice, comme naturellement, conclut Forestier , puis au fil des années c’est devenu de plus en plus fabriqué, maladif. Au point que quand il pleure au procès de son fils, personne ne sait plus si c’est de l’homme ou de l’acteur que viennent ces larmes… » l

(1) HOWARD HUGUES, L’HOMME AUX SECRETS, ÉDITIONS MICHEL LAFON (2005).

(2) LA MORT DE DAG DROLLET, ABATTU PAR CHRISTIAN BRANDO, LE FILS DE L’ACTEUR.

u LA CINEMATEK PROPOSE UN CYCLE MARLON BRANDO DÈS À PRÉSENT ET JUSQU’AU 19/08. WWW.CINEMATEK.BE

RENCONTRE LOUIS DANVERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content