BIEN DANS SES SHOES, LIBRE DANS SA TÊTE, PAUL WELLER INVITE GRAHAM COXON ET NOEL GALLAGHER SUR SONIK KICKS, SON ONZIÈME ALBUM SOLO. THIS IS A MODERN WORLD…

Six albums avec The Jam, cinq avec Style Council et maintenant onze en solo… Paul Weller a enregistré plus de disques que certains en ont jamais achetés. A 53 ans, le Modfather qui vient de donner naissance à des jumeaux (Bowie et John Paul) a toujours autant de classe, de niaque et de verve.

Votre nouvel album part tous azimuts. C’était quoi, l’idée?

Je voulais marier un certain type d’électronique à la pop music. Je me suis aussi demandé ce qu’était le son du XXIe siècle. Je voulais quelque chose d’ancien et de moderne. Quelque chose d’unique. Emmener l’auditeur en voyage. Le prendre dans mes bagages. Pas en termes de textes mais en termes de son.

Vous n’êtes pas le mec le plus passionné par les nouvelles technologies et les ordinateurs qui soit. Quelle relation entretenez-vous avec l’électro?

J’ai beaucoup écouté récemment les pionniers de la musique électronique. Des trucs qui remontent à la fin des années 30, au début des années 40. Je ne me souviens pas vraiment du nom des artistes. J’ai juste acheté quelques compilations. Genre The best of early electronic music. Il s’agissait de Russes, d’Allemands, de Polonais… Je n’avais jamais vraiment écouté cette musique expérimentale d’avant-garde. J’en ai adoré les textures.

Un ou deux titres de ce disque ont aussi un côté très krautrock…

Je m’y suis intéressé après avoir lu une critique qui me comparait à Neu!. Je n’avais jamais entendu Neu!. Alors j’en ai acheté l’un ou l’autre album. Je n’ai pas étudié, ou décortiqué. Comme avec tout ce qui m’influence, j’ai laissé faire la nature. J’ai écouté le krautrock comme quelque chose de nouveau et je l’ai laissé consciemment et inconsciemment pénétrer ma musique. Pour la petite histoire, un ami allemand m’a refilé son numéro de téléphone et j’ai demandé à Michael Rother de me remixer.

Vous êtes quelque part le trait d’union entre la génération Beatles, Kinks, Who et la Britpop. C’est plutôt amusant de retrouver Noel Gallagher et Graham Coxon sur votre disque…

Quand j’en parle à Graham, il me dit qu’il était un grand fan de The Jam lorsqu’il avait douze ou treize ans. C’est fou de se dire que ma guitare l’a influencé lorsqu’il était gamin et qu’une chanson comme Paperchase sur mon dernier disque est marquée de son sceau sans qu’il joue dessus. C’est la preuve que la musique voyage dans le temps. Je connais Graham depuis sept ans ou un truc du genre. On a commencé à travailler ensemble un peu plus tard en enregistrant un single. Ensuite, il a joué sur 22 Dreams. C’est un grand bonhomme. Un super musicien. Un bon batteur. Noel, lui, m’a juste dit qu’il voulait jouer sur mon disque et c’est ce qu’il a fait. Il habite juste en face de chez moi mais je ne le vois jamais. A tout casser une ou deux fois sur l’année. Est-ce que nous sommes amis? Je suppose quelque part. Mais je ne le vois pas assez pour pouvoir l’affirmer. C’est un mec très privé et secret.

Vous étiez plutôt Blur ou Oasis?

Les deux. Ils proposaient des trucs fort différents. La Britpop était super. Elle a débouché sur de grands disques et de terribles chansons. Et puis, ça nous faisait du bien de nous sentir à nouveau fiers d’être anglais. C’était bon pour le pays. Spirituellement. Culturellement. En même temps, comme dans tous les courants musicaux, tu as des trucs géniaux puis aussi un tas de merde. Pour un Blur ou un Oasis, tu avais des dizaines de groupes plus ou moins dans l’ombre et plus ou moins chiants.

Pourquoi demandez-vous à des musiciens d’utiliser des instruments qui ne sont pas les leurs?

Pour expérimenter. Voir ce qu’ils peuvent me proposer. Tu connais l’histoire de Like a Rolling Stone? Al Kooper y joue de l’orgue Hammond mais il était à l’époque un guitariste de session. Il s’est retrouvé là et Dylan lui a juste demandé de jouer. Quand tu es bon musicien, tu amènes quelque chose quel que soit le truc qu’on te met entre les mains. Lorsque ce n’est pas ton instrument de prédilection, tu l’utilises autrement. C’est un challenge. Quand tu ne sais pas ce que tu fais, quand tu n’es pas conscient de ce qui t’arrive, tu touches parfois à de vraies trouvailles. Tu suis ton instinct et c’est excitant.

Est-ce que vous vous voyez des héritiers dans la nouvelle génération?

Pas vraiment. Quoique. J’ai assisté à un concert de Miles Kane l’année passée. Il y a quelque chose chez lui qui me rappelle mes 20 ans. Ce qui manque souvent aux jeunes groupes, c’est de la consistance et de la constance. T’as des mecs qui font de la musique depuis dix ans et ne sortent aujourd’hui que leur deuxième album. Ça me dépasse. Je ne peux pas comprendre. Dans le même laps de temps, moi, j’aurais enregistré une dizaine de disques. Je ne sais pas si ça a un lien avec la manière dont le business a évolué. Mais c’est décevant. Et plutôt embêtant pour l’industrie. Plus tu joues, travailles, écris, enregistres, et plus tu t’améliores. Il n’y a pas de secret. C’est un peu old school, working class, mais c’est ce qu’il y a de plus efficace. Aujourd’hui, les groupes enregistrent un disque et passent deux ou trois ans à le promouvoir.

Qu’est-ce que vous espérez laisser quand vous serez parti?

J’espère juste qu’on écoutera encore mes disques. Si un gamin de seize ans quelque part dans le monde joue de la guitare en usant un de mes albums, s’il lui donne envie de former un groupe, je serai un mort heureux.

LIRE AUSSI LA CRITIQUE DE SONIK KICKS PAGE 35.

ENTRETIEN JULIEN BROQUET

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