Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

VAN SANT, LE POèTE – Son premier film fulgurant (Mala Noche) et son dernier opus fascinant (Paranoid Park) sont réunis dans un indispensable coffret.

Mala Noche, de Gus Van Sant. Avec Tim Streeter, Doug Cooeyate, Ray Monge. 1 h 18.

Paranoid Park, de Gus Van Sant. Avec Gabe Nevins, Taylor Monsen, Jake Miller. 1 h 25.

L’£uvre de Gus Van Sant constitue sans aucun doute la proposition la plus originale et la plus constamment passionnante opérée dans le cinéma américain depuis l’émergence de David Lynch. Agé aujourd’hui de 55 ans, et auteur d’une douzaine de longs métrages, le natif de Portland (Oregon), s’est affirmé tant par ses recherches formelles que par ses thèmes de prédilection. C’est aux marges de la société, chez les poètes crève-la-faim et les immigrés clandestins ( Mala Noche), les drogués ( Drugstore Cowboy), les prostitués ( My Own Private Idaho), qu’il a d’emblée promené sa caméra, désormais attachée en priorité à l’univers de l’adolescence ( Elephant, Paranoid Park). Et si le plus accessible de ses films, Good Will Hunting, lui a fait connaître le succès public, il s’est empressé de recadrer, avec le stupéfiant Gerry (joué par le même Matt Damon!), ses ambitions stylistiques vers des modes plus libres, affranchis des conventions dramatiques et narratives du cinéma commercial.

Voir réunis dans un même coffret son tout premier long métrage (datant de 1985) et son dernier opus en date offre l’occasion, tout à la fois, de mesurer l’évolution spectaculaire d’un artiste résolument entré dans la maturité, et de constater à quel point la jeunesse continue à fortement l’inspirer.

CHEMINEMENT POéTIQUE

Plus de 20 ans séparent Mala Noche et Paranoid Park. Mais un clair cheminement poétique mène de l’un à l’autre. En 1985, Van Sant choisit le noir et blanc, le 16 mm. Les moyens dont il dispose sont proches de zéro et il ne peut assurer de prise de son direct. Son inspiration, il la trouve dans les textes – confessions d’un jeune poète de Portland, Walt Curtis, amoureux transi d’un jeune clandestin latino qu’il tente maladroitement d’approcher. Dans un style ouvert, jazzy, reflétant l’influence d’un John Cassavetes tout en affichant déjà des fulgurances toutes personnelles, le film porte à incandescence une impudeur passionnelle, sensuelle, désespérée. Présenté voici tout juste un an au Festival de Cannes, Paranoid Park poursuit la méditation sur le mal-être adolescent débutée avec Elephant et poursuivie dans Last Days. Le jeune héros du film, fou de skate et devenant involontairement responsable de la mort d’un vigile, a 16 ans et dans le crâne un sentiment de culpabilité de plus en plus perturbant. Van Sant filme comme en apesanteur, multipliant les supports d’images (pellicule, vidéo) sans oublier de travailler le son, l’ensemble créant un environnement poétique d’une saisissante et douloureuse beauté.

D’un film à l’autre, à deux décennies de distance, c’est une farouche liberté de regard qui se révèle puis se réaffirme. Une liberté dont les suppléments du coffret, un entretien avec le cinéaste et une analyse de sa filmographie, témoignent eux aussi avec évidence.

LOUIS DANVERS

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