Stefan Liberski est au Japon pour le tournage de son prochain film, TOKYO FIANCéE. Chaque semaine, et en exclu pour Focus, il nous raconte les dessous de l’aventure.

Le Japon est d’abord dans les détails. C’est l’empire du détail. Même les plaques d’égout sont décorées. Les porte-parapluies, les pieds des pylônes. Ici, les gens font volontiers de minuscules « installations » devant chez eux. Pour égayer l’ordinaire, pour se consoler que les cerisiers ne soient pas en fleurs toute l’année. Nous avons eu les cerisiers en fleurs. Sur la route entre Niigata et Taoyama, tout à coup, des nuées de rose noyaient le paysage. Ça a l’air bête, dit comme ça, un cerisier en fleurs. Au Japon c’est une merveille, comme le blanc de la neige ou l’aurore boréale. Je n’ai jamais vu d’aurore boréale. Hichame prétend que c’est magnifique. A mon avis les sakura sont les aurores boréales du Japon. Cette semaine nous avons tourné à Sado. (« Hé! Ho?! Vous êtes masos? « ) Sado est une grande île de la mer du Japon où le temps semble s’être arrêté. J’ai appris par Matano, l’un de nos chauffeurs japonais (« Hé! Si jeune et déjà poney?« ), que cette île fut pendant quelques années l’un des lieux privilégiés des grandes raves techno, ces réjouissances que prisait tant Jack Lang. Elles n’ont laissé aucune trace. On pourrait se croire dans un Kurosawa des années 50. Outre que nous y avons tourné des scènes sublimes (je le dis moi-même, c’est plus facile), certains d’entre nous ont goûté là-bas leurs premiers sushis aux oursins (« Hé! Te fais pas de sushi, mec!« )

Le sushi à l’oursin étant, on le sait, le prince des sushis. Au retour, sur le ferry-boat, des aigles et des mouettes nous ont suivi longtemps. Ce qui n’a rien à voir avec ce qui précède. J’essaie simplement d’habituer le lecteur aux sautes d’axe. Dans le train entre Niigata et Kobe, un homme était allongé devant la porte des toilettes, mort saoul. (« Hé! Devant la porte? C’était pas Nakasoné?« ) Au Japon nous sommes en fin d’année fiscale et les salary men travaillent encore plus que de coutume. Ils sont donc plus enclins, paraît-il, à se détendre un petit coup après leur journée de boulot, c’est-à-dire à boire-un-petit-coup-de-trop-c’est-agréable. Ça se voit. Nous y étions montés (dans le train) en équipe réduite de notre équipe réduite pour y emprunter quelques images que nous rendrons bien entendu après usage, après les avoir soigneusement nettoyées et remises dans leur boîte d’origine. Tous les figurants de hasard jouaient extrêmement bien. Il n’y a pas eu un seul regard caméra, sauf celui d’un salary man en goguette qui, accroché à une main courante, faisait de gros efforts pour garder une position plus ou moins verticale en regardant, à dire vrai, n’importe où. Notre assistant caméra-électro-et-le-reste s’appelle Benoît. Un garçon gentil comme tout. Il est français. Au début du tournage, c’est lui qui se chargeait des blagues sur le manque criant de baguette dans la montagne (je parle du pain, pas des bâtonnets en bois) et aussi, accessoirement, des blagues sur lesdites baguettes en bois. Aujourd’hui, tout le monde s’y est mis. Ben, lui, en fait moins (des blagues). D’abord il a trop de travail, ensuite on lui a trouvé du pain, et surtout nous avons instauré un système de pénalité. Chaque émetteur d’une blague/jeu de mot foireux genre Yamamoto Kadératé ou l’amiral Ichi Duoduma écope d’une amende de 2 000 yens, à verser sur-le-champ à Sophie, notre directrice de production, une grande blonde surnommée « The Hips » par les Japonais, allez savoir pourquoi. A la fin, nous boirons cette cagnotte à la santé des prix internationaux qu’aura récoltés Pauline Etienne durant le tournage. Il y en aura encore bien deux ou trois. Je vais d’ailleurs arrêter de les rapporter (pas les prix, les blagues). Rien que pour cette chronique je m’aperçois que mes per diem de la semaine vont y passer. « Comment appelle-t-on un ascenseur au Japon? En appuyant sur le bouton! » Crac, je n’ai plus rien.

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