En annexant le candidat républicain John McCain à Hitler, Madonna mélange grossièrement les valeurs.

Au fil des années, la Ciccone est devenue grande remixeuse-repasseusse: de styles, de modes, d’images. De catholique, la voilà adepte de la kabbale; de Sean Penn, elle a épousé Guy Ritchie, new-yorkaise elle se la joue châtelaine britonne, et last but not least, la material girl s’intronise désormais maîtresse de l’idéologie. Au concert d’ouverture de sa tournée mondiale, ce 23 août à Cardiff, pendant la chanson Get Stupid, un montage d’atrocités diverses est entrecoupé d’images d’Hitler, de l’actuel président chinois, de Robert Mugabe et puis de John McCain. Une diabolisation abusive mais surtout un processus dangereux de réduction des idées.

S’il exprime des intentions conservatrices « à la gauche de Bush Jr », McCain n’a rien d’un fasciste. Ce qui prouve, au choix, que Madonna est politiquement idiote ou, plus probablement, mixe sons et images, vérités et approximations, adoption d’enfants namibiens, religion, coups de cravaches et electrobeat, dans un grand maelström sans logique apparente autre que la sensation.

Brainstorming bien placé?

Certes, elle a toujours fait dans la provoc: lorsqu’elle sort son livre Sex en 1992, elle se met elle-même en scène dans un éventail érotique qui inclut nu intégral, scènes SM des deux côtés du fouet et photos étayant un goût pour les hommes de 17 à 77 ans. L’âge aidant, Madonna n’a pas abandonné sa collection de personnages érotisés mais dans son (fameux) panier de la ménagère de cinquante ans, elle ajoute désormais les ingrédients d’une femme obligatoirement pensante.

Pop-star à la fortune évaluée à 600 millions d’euros qui s’apitoie sur le Tiers-Monde entre deux pubs pour la kabbale, son message politique de rescousse à une Amérique crucifiée par les valeurs conservatrices, apparaît factice. Qu’elle n’aime pas McCain (nous non plus), c’est parfaitement son droit, qu’elle en fasse une poupée fasciste, c’est précisément le genre de procédé racoleur dont use volontiers la droite la plus réactionnaire. Comme si l’obsession de perfection corporelle de Madonna – il est vrai plutôt aboutie – devait être obligatoirement doublée d’une mainmise sur le domaine de la pensée et du discours politique.

A moins que tout cela ne soit que le résultat d’un brainstorming bien placé: en classant McCain chez les dictateurs, elle savait que son actuelle tournée mondiale bénéficierait d’échos médiatiques que ses poses lascives ne convoquent plus vraiment. Et Obama dans tout cela? Pas de réaction officielle de celui que McCain, subtil lui aussi, avait comparé à Britney Spears et Paris Hilton pour sa connaissance de la politique étrangère… Bienvenue chez les gens qui savent.

LA CHRONIQUE DE philippe cornet

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