» […] les gens de la ville savent qu’il ne faut pas toucher aux forêts, aux fleuves et aux lacs d’ici: des morts étranges s’y produisent, des noyades qui ne s’expliquent pas.  » Lynx, lui, a vu son paternel, homme des bois  » qui n’a jamais réchauffé le corps pendant l’enfance » écrasé par un tronc. Était-ce un accident, un suicide, autre chose? Héritant de la maison familiale et de toutes les meurtrissures qui y flottent, il rêve plutôt de prendre la tangente en moto, laissant derrière lui la buvette de Didier, les Rachel et les Anélia, femmes-éclairs et interchangeables. Mais dans son microcosme arrive Lilia, la cousine du barman. Venue quérir un peu d’autonomie loin de Marzio, qui battait leur enfant, elle agace puis intrigue et enfin décharge Lynx d’une certaine pesanteur. Avec une langue émotive et comme à l’affût, Claire Genoux donne, le temps d’un  » printemps des choses« , un espace et des possibles à ces deux êtres éraflés, réfugiés dans leur rapport singulier aux mots. Au point que, pour Lynx, c’est  » effacé à l’intérieur de la bouche et qu’il y a seulement la place pour la cigarette« , et que Lilia absorbe les bleus dans l’écriture. Le lien qui règne entre ces deux solitudes a les contours d’une parade amoureuse si effarouchée qu’elle ne parvient jamais tout à fait à s’énoncer. À mesure que la jeune femme dompte sur ses carnets la maison d’enfance, ressurgit en Lynx l’incendie et se réesquisse une mère sur la brèche, internée puis effacée qui elle aussi écrivait. Jusqu’au bout, Lynx, roman splendidement troué d’incertitudes, cultive sa violence en soupape et sa poésie fine, qui sourd de chaque pointillé.

De Claire Genoux, éditions José Corti, 206 pages.

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