BD, jeu vidéo, cinéma: H.P. Lovecraft renaît de ses cendres. Ce maître du fantastique n’est jamais vraiment mort…

HPL: comme la clochette de Pavlov, ce triptyque mythique fait baver le fan de fantastique. Et apparemment, la magie (noire) opère toujours. Coup sur coup paraissent deux BD adaptant, avec fidélité ou humour, l’univers de Howard Philips Lovecraft, spécialiste des cosmogonies terrifiantes, des dieux endormis et des livres maudits. L’occasion, aussi, de reparler de quelques incursions du « maître de Providence » dans l’univers des petits miquets.

Reanimator (Delcourt 2008), de Florent Calvez, reprend l’histoire d’Herbert West, un scientifique qui redonne vie aux cadavres. Un « nouveau Frankenstein » paru, à l’époque de Lovecraft, sous forme de feuilleton. Ce récit passionnant a déjà eu les honneurs du cinéma avec la franchise Re-Animator, emmenée par le cultissime Jeffrey Combs, acteur qui incarnera d’ailleurs Lovecraft dans un autre film, Necronomicon. En bande dessinée, cela donne 112 pages d’une couleur sourde, oppressante, alternant scènes gore et moments de recueillement. Une £uvre excellente dont on ressort avec un sentiment d’étouffement rappelant le From Hell d’Alan Moore.

L’Homme à tête de vis (Delcourt 2008) est une £uvre très personnelle de Mike Mignola, créateur de Hellboy, autre série marquée par Lovecraft. Dans ce recueil d’histoires courtes, Mignola débride sa narration, n’hésite pas à passer le mythe du dieu Cthulhu à la moulinette du Mask et à ridiculiser le Diable en personne. L’ambiance passe du glauque au nonsense avec bonheur. Un bijou.

Le Gardien des ténèbres (Glénat 2007) de Rodolphe et Wens, navigue entre Darwin et Cthulhu. A partir d’un carnet de notes ayant appartenu au célèbre naturaliste britannique, les écrivains London et Bram Stoker partent à la recherche d’un personnage mystérieux dont on ne sait s’il est amical ou non envers le genre humain. Dans leur quête de l’innommable, les deux hommes lutteront avec les sbires d’un collectionneur très particulier et un ancien disciple de Darwin.

Révélations posthumes (Bédérama 1980, Delcourt 1991) n’est pas à proprement parler une adaptation de Lovecraft. Andreas et Rivière y livrent des sortes de « nouvelles biographiques en images » sur le maître de Providence, mais aussi Agatha Christie, Jules Verne, Pierre Loti. On y voit un Lovecraft rendre visite à un « jeune disciple » très prometteur, Robert-Howard Barlow. Ils s’amuseront à écrire ensemble La Bataille qui a fini le siècle, bourrée de jeux de mots et de second degré. Une facette inédite de l’écrivain reclus, dans un noir et blanc saisissant d’étrangeté maîtrisée.

Les Mythes de Cthulhu (Rackham 2004) d’Alberto Breccia sont d’abord parus aux Humanoïdes Associés en 1979. Plus sérieux et radicalement plus sombre que chez un Mignola, le trait s’y fait expressionniste, avec des aplats de texture et un texte archi-fidèle pour mieux exprimer l’indicible. Un défi en soi, et un résultat incontournable.

La Cité sans nom (dans le Cahier de l’Herne consacré à Lovecraft, réédité en 1984) sous la plume de Philippe Druillet est un hommage en 4 pages totalement muettes au c£ur même de tout bon récit lovecraftien: la découverte, dans le désert, de ruines où les dieux communiquent encore. Plus largement, toute l’£uvre du Français semble imprégnée de ce vertige, de cette « chute dans l’espace » engendrés par les ouvrages de l’Américain.

TEXTE VINCENT DEGREZ ET VINCENT GENOT

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