Arène où viennent se fracasser les destins, la boxe est un terreau fertile pour la littérature. Sur le ring, les mots giclent comme des uppercuts et les masques tombent au décompte final…

L’actualité nous le rappelle une fois encore avec punch: littérature et boxe ont toujours fait bon ménage. Hier Jack London, Arthur Conan Doyle, Ernest Hemingway, Norman Mailer ou Léonard Gardner (qui signait en 1968 avec Fat City l’un des plus beaux romans sur le sujet), plus récemment F.X. Toole (auteur en 2000 d’un livre coup de poing, La brûlure des cordes), McIlvaney, Patrice Lelorain (à l’affiche aujourd’hui à la fois dans la catégorie « biographie » avec La légende de Muhammad Ali et dans la catégorie « nouvelles » avec l’aérien Quatre uppercuts, tous les deux aux éditions de La Table Ronde) et surtout le Canadien Craig Davidson, nouvelle coqueluche de la discipline. Sans parler des projets cinématographiques qui tournent autour des rings comme Cassius Clay autour de ses adversaires, dont le plus attendu est certainement The Fighter, du réalisateur Darren Aronofsky ( Pi), évocation brûlante de Mickey Ward, boxeur américain qui compensait un manque de talent par une franche ardeur à l’ouvrage.

MISE AUX POINGS

Mais revenons à Craig Davidson, écrivain de choc de la trempe de Chuck Palahniuk. Adoubé par Bret Easton Ellis, ce puncheur-né (au figuré comme au propre puisqu’il pratique lui-même assidûment le noble art) malmène une nouvelle fois nos âmes avec un roman percutant comme un crochet du droit. Après avoir gagné sa ceinture de prince de la castagne grâce à un recueil de nouvelles acérées, Un goût de rouille et d’os, le voilà donc prétendant au titre dans la catégorie reine des romans. Et vu son swing, son panache et sa force de frappe, le challenger a toutes les chances de l’emporter ( voir ci-dessous).

Un chef-d’£uvre de plus au palmarès de la littérature de boxe. D’où cette question: comment se fait-il que ce sport pourtant si décrié et si corrompu continue à inspirer autant les écrivains? Et à dynamiter leur prose? Remarquons d’abord que les plumes les plus redoutables sont tenues par de solides phalanges. Que ce soit F.X. Toole, Hemingway ou Davidson, ils savent de quoi ils parlent étant eux-mêmes pugilistes confirmés. D’où l’idée que ces auteurs écrivent comme ils boxent: avec leurs tripes.

L’autre pôle magnétique de la boxe, c’est qu’elle fait la part belle aux loosers magnifiques. Un peu vulgaire, un peu bad boy, elle a gardé sa réputation sulfureuse et son piment. Sur le ring, les émotions dégorgent tout leur suc. La souffrance et les destins sont portés à ébullition, laissant entrevoir les failles humaines. Bref, un univers propice à la dramaturgie, comme un miroir brisé de la vie, auquel les adeptes de la littérature à l’estomac aiment se frotter. Et nous avec. Sans chercher à esquiver ni les coups ni les mots.

LAURENT RAPHAëL

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