Exit to London – Rachid Bouchareb signe un film généreux et vibrant sur deux individus que des circonstances dramatiques amènent à dépasser leurs différences.

De Rachid Bouchareb. Avec Brenda Blethyn, Sotigui Kouyaté, Roschdy Zem. 1 h 30. Sortie: 29/04.

A priori, ces deux-là n’auraient jamais dû se rencontrer. Installée à Guernsey, Elisabeth Sommers (Brenda Blethyn) mène une existence tranquille, dans le souvenir de son mari défunt. Quant à Ousmane (Sotigui Kouyaté), géant africain filiforme et solitaire, voilà des années qu’il exerce ses talents de garde-forestier en France. Tout au plus s’ils ont en commun d’avoir vu leurs enfants respectifs partir étudier à Londres.

Se trouvant sans nouvelles, elle de sa fille, lui de son fils, au lendemain des attentats qui frappèrent la capitale britannique en juillet 2005, ils décident, l’un et l’autre, de partir à leur recherche. C’est peu dire qu’ils débarquent alors dans un univers insoupçonné – duo de solitudes inquiètes égarées dans un Londres qui adopte, pour la circonstance, les contours de Finsbury Park. Se croisant et se recroisant dans cet environnement inconnu et déstabilisant, Elisabeth et Ousmane vont bientôt se rapprocher presque malgré eux, par-delà leurs différences de culture et de confession – elle est chrétienne et il est musulman -, tendus vers cet espoir partagé de retrouver leurs enfants vivants.

Le pouls d’une époque, et au-delà

Abordant là un sujet incontestablement délicat, Rachid Bouchareb fait preuve d’un fort appréciable doigté. Si les attentats en constituent la toile de fond discrètement omniprésente, London River s’attache surtout au trajet de ces deux individus, dont il accompagne le cheminement contrarié et bientôt convergent – double parcours profondément émouvant que le réalisateur filme à hauteur d’homme, se refusant à jamais forcer le trait. De facture à la fois légère par ses moyens et réaliste par sa forme, son film vibre d’une intensité sourde, drame poignant auquel tant Brenda Blethyn (la formidable comédienne de Secrets and Lies) que Sotigui Kouyate (l’acteur malien découvert dans Little Senegal, du même Bouchareb, et par ailleurs récompensé à la Berlinale pour sa prestation dans London River) confèrent une extraordinaire justesse, doublée d’une subtile densité.

Au-delà de cette profonde humanité, London River prend habilement le pouls de notre époque – agitée, pour le moins -, en même temps qu’il tord joliment le coup à quantité de préjugés, s’érigeant en invitation sensible à dépasser nos différences. De quoi confirmer l’acuité comme la générosité du regard du réalisateur de Indigènes. Le tout, sans que son propos se départisse jamais, pour autant, d’une apparente modestie – qualité qui achève de faire de ce film un moment de cinéma aussi estimable que précieux.

www.londonriver-lefilm.com

Jean-François Pluijgers

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