Poétique et enchanteresse, Emily Loizeau pépiera bientôt au LaSemo et aux Francos. Visite de son Pays sauvage.

Vous êtes paumé dans un pays brûlé. Après avoir marché deux heures, vous tombez enfin sur un village. Vous vous arrêtez et écoutez des gens qui, tour à tour, vous racontent une histoire. » Une petite image vaut souvent mieux qu’un long discours. Attablée dans une brasserie lilloise, un peu pressée par le temps et un train qui l’attend, Emily Loizeau résume Pays sauvage, son deuxième album, tandis qu’un peu plus loin son équipe se réjouit des premiers chiffres de vente. Désormais, la franco-anglaise n’est plus chez Fargo, le prestigieux label d’Andrew Bird, Joseph Arthur, Alela Diane. Elle a rejoint les rangs de la multinationale Universal.  » Plus qu’un indé ou une major, j’ai choisi une équipe qui me suivait depuis longtemps et avait manifesté très tôt son intérêt pour mon projet. Puis, ce n’est pas moi qui me suis séparée de Fargo. C’est Fargo qui s’est séparé de moi. »

Les ruptures sont importantes dans la carrière d’Emily. C’est après une rupture – amoureuse celle-là – qu’elle écrit sa première chanson, Balthazar, en 2001. Un peu de tristesse transparaît dans sa voix mais la petite fille de la comédienne Peggy Ashcroft ne nourrit aucune amertume.  » Nous avons réalisé un superbe travail avec Fargo. Beaucoup de gens qui n’écoutent pas de chanson française ne seraient jamais venus vers moi s’ils n’avaient pas été interloqués par le fait que j’atterrisse sur un label comme celui-là. Mais je n’étais pas non plus celle qui avait vendu des camions de disques et qui aurait pu pérenniser toute l’économie du label. Or, il avait beaucoup investi et comme je suis toujours une artiste en développement, il allait à nouveau devoir mettre le paquet. J’avais envie que Fargo grandisse et reste un label vivant. Tandis que ses responsables voulaient que je fasse mon chemin sans me ralentir. »

Un chemin qui a emmené la jolie Emily en Ardèche dans une maison perdue au milieu des montagnes. Accompagnée de son amoureux et de son ordinateur.  » Il était important pour moi de faire le point pour savoir ce que je voulais dire et comment y parvenir. Mon souci avant tout, plus que d’enregistrer un disque qui va plaire ou un album qui va marcher, c’est de me ressembler. De ne jamais mentir. D’assumer mes défauts. Je trouve ça extrêmement important. Surtout par les temps qui courent. »

Animalité

Emily a dès lors délaissé son piano, composé à la guitare voire tarabiscoté des sons sur son ordi. Elle a davantage assumé ses racines anglophones et sa culture folk américaine: Dylan, Kery Jones, Nina Simone.  » D’autres choses, aussi, en germes depuis longtemps. Des musiques qui ne trouvaient pas la petite étincelle nécessaire pour pouvoir s’exprimer et qui sont sorties après deux ans et demi de tournée avec mes musiciens. Après m’être enrichie de leur musicalité, de leur rythme, de leurs couleurs, j’ai pu entretenir un rapport plus explosif, plus intuitif, plus animal, plus spontané avec l’écriture, le son, la voix. J’avais envie d’être au plus près de quelque chose de fondamentalement viscéral. »

Elle signe des duos avec Renan Luce, Andrew Bird, Thomas Fersen… Donne de la voix sur un album des Blaireaux. Et incarne le personnage du docteur Madeleine sur deux chansons de La Mécanique du c£ur, album de Dionysos dont Luc Besson prépare l’adaptation pour le cinéma. Emily Loizeau se cache aussi derrière la bande originale de King Guillaume, le long métrage du Robin des bois Pierre-François Martin-Laval.  » Quand les Robins des bois cartonnaient à la télé, moi, je vivais en Angleterre. J’étais complètement à la rue par rapport à Pef. Je le lui ai dit d’ailleurs. Il m’a offert des DVD. C’était mignon. Je rêvais de composer la musique d’un film. En me demandant un gospel, il a inspiréFais battre ton tambour . Je n’aurais jamais écrit cette chanson s’il ne m’avait pas provoquée. Et c’est pour ça que je crois tant aux rencontres. Pour ça que ce disque évoque beaucoup de choses pour moi dans sa collectivité. »

Camarades

Pays sauvage, dont la pochette est signée Mondino, a été profondément inspiré par We Shall Overcome, le disque de reprises de Bruce Springsteen sur lequel le Boss s’est fait accompagner par un groupe folk traditionnel.  » Il avait enregistré des gospels en quelques jours, du moins quelques nuits, à la lumière des bougies. Il y a un truc qui peut paraître très cliché mais qui résume comment je perçois la musique. On célèbre quelque chose au final. Certes, on peut aussi célébrer tout seul mais là, le son était collectif, bordélique, bizarre. »

En Moriarty, Emily a vu le fantôme de tous ces vieux vinyles qu’elle écoutait gamine en compagnie de son oncle qui sillonnait les routes en roulotte à la tête d’une troupe de théâtre. David Herman Düne a enfoncé le clou de la spontanéité. Jean-Loup Dabadie lui a écrit une chanson. Jeanne Cherhal, Olivia Ruiz et Nina Morato ont même formé pour elle les ch£urs des femmes à barbe de Paris. Daniel Waro a, pour sa part, apporté une touche magique venue d’Afrique. « Une rencontre musicale et humaine incroyable, souligne-t-elle. Toute sa démarche, son envie de parler de ses racines, de son pays, de raconter des histoires me plaît. Daniel est un mec qui transmet des choses. Or, la musique nord-américaine, le blues, le bayou, le gospel, c’est ça. Allons puiser dans notre douleur ou dans celle de nos ancêtres et faisons une fête. »

www.myspace.com/emilyloizeau

Pays sauvage, chez Universal.

Au festival LaSemo (Hotton) le 11/7, aux Francofolies de Spa le 19/7.

Texte Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content