On la dit en perte de vitesse. L’arbre de la littérature a pourtant encore donné de très beaux fruits tout au long d’une décennie marquée par l’éclosion de nouveaux sous-genres. L’autofiction est l’un de ces bourgeons. Un genre très prisé en France où des auteurs comme Catherine Millet, Michel Houellebecq ou Frédéric Beigbeider ont raflé la mise en faisant des ronds avec leur plume autour de leur nombril. Loin de ce narcissisme, on a aussi vu s’imposer une littérature monde, portée à incandescence par des auteurs souvent au carrefour de cultures comme Zadie Smith. Récits monstres, style fougueux et intrigues labyrinthiques, ils font flamber les mots et font résonner le tumulte de la mondialisation. Déjà bien implanté sur le sol de la fiction, le roman « facile » continue aussi à semer ses petites graines. Avec dans le rôle du jardinier, les Levy, Nothomb, Musso et autres Dan Brown, lequel ratisse les contre-allées du spiritisme, un engrais que l’on retrouve également dans la littérature fantasy, elle aussi en pleine croissance. Tout ce qui touche au surnaturel a d’ailleurs le vent en poupe. Comme la littérature de vampires, qui a vu arriver du sang neuf avec Stephenie Meyer, l’auteur de la saga Twilight. Un best-seller mondial. Doublé d’un blockbuster. Car si on lit de moins en moins, la littérature, de Harry Potter à Slumdog Millionaire en passant par La Route, n’a jamais autant essaimé sur les grands écrans. Preuve que le roman est toujours vert en dépit de son grand âge… Un atout à l’heure où se profile le livre électronique, LE grand défi de l’édition pour la décennie à venir.
La tache
de Philip Roth
Dans l’Amérique des années 90 où le peuple se passionne pour l’affaire Lewinsky, un homme tente d’échapper à son passé. A l’humiliation subie à cause de son père noir. Et il s’invente une identité de juif américain. Jusqu’au jour où il sera accusé de racisme. Mais dire la vérité n’est pas si simple. Dans un style brutal, l’auteur aborde l’intolérance sous toutes ses formes. N.M.
Les bienveillantes
de Jonathan Littell
Prix Goncourt qui créa bien des polémiques. Au c£ur de son £uvre: les mémoires d’un personnage fictif, officier SS ayant participé au massacre des Juifs. Dans ce récit en 7 parties, Littell met en exergue l’incapacité des hommes à se défendre. Un livre où l’auteur prend le risque de se perdre sans jamais abandonner le lecteur. D’où sa force. N.M.
le seigneur de bombay
De Vikram Chandra
Un flic miteux doit découvrir pourquoi un criminel s’est suicidé après avoir tué la femme qu’il aime, sinon des millions de gens vont périr dans une explosion atomique! Sensation d’inhabituel et d’exotisme. Entre misère, corruption et cruauté, avec un parfum de volupté. Amoureux fou de Bombay, l’auteur fait l’autopsie d’une société broyée par les castes. N.M.
Millenium
de Stieg Larsson
Brillant journaliste, luttant contre l’extrême droite, Larsson est mort après avoir remis sa trilogie à son éditeur. Sa force: mettre en scène des fêlés géniaux et rebelles dans une Suède où s’enracine l’intrigue policière. Univers original dans lequel il aborde tous les sujets, de la mondialisation à la prostitution, en passant par les magouilles économiques. N.M.
Cendrillon
De Eric Reinhardt
Ce conte de fées à la sauce Hara Kiri nous peint trois personnages issus d’une société engluée dans les paradis « bling bling » et la bourgeoisie intello gauchiste. L’auteur pose un regard sarcastique et trempe tout ce beau monde dans le vitriol. Idéalistes, terroristes et érotomanes se croisent, dans un style passé au shaker, mélange de poésie et de vulgarité. Libre! N.M.
Moi tout craché
De Jay Mc Inerney
Recueil de nouvelles, tranches de vies new-yorkaises – entre 1982 et 2009 – brossées de façon cinglante et ironique. Les personnages en errance, ados dés£uvrés et couples en crise sont pris au piège de leurs propres contradictions. L’auteur contemple ce microcosme avec humour et cruauté, tout en trempant sa plume dans la poudre. Hommage à Raymond Carver. N.M.
Trois femmes puissantes
De Marie NDiaye
Destins croisés de trois femmes d’origine africaine face à l’Europe. Insoumises, ambitieuses et malmenées par la vie, elles vont se battre contre l’humiliation pour préserver leur dignité. Prix Goncourt. Mélange de poésie, de sensualité et de métaphores. Le style de phrases fleuves apporte une certaine douceur qui contraste avec les récits poignants. N.M.
La poursuite du bonheur
de Douglas Kennedy
Roman clef sur la période peu reluisante de l’Amérique au temps de la chasse aux sorcières. A l’enterrement de sa mère, Kate croise le regard insistant d’une femme dont elle recevra des albums contenant des photos de famille. Qui est-elle? Ce récit nous recentre vers les vraies valeurs tout en nous posant cette terrible question: faut-il se contenter de ce qu’on a ou prendre des risques? N.M.
La route
de Cormac Mc Carthy
Prix Pulitzer, ce roman apocalyptique est une réflexion sur la mort, autour de l’errance d’un père et de son fils. McCarthy déroute et bouscule nos repères en nous faisant passer d’un monde à l’autre pour nous laisser au milieu des ruines. Un de ses autres ouvrages fut adapté par les frères Coen. Celui-ci, par John Hilcoat, avec moins de bonheur… N.M.
Les corrections
de Jonathan Franzen
L’histoire des dessous troubles d’une famille, engluée dans son passé et en conflit permanent. Entre fresque familiale et réflexion sociale. Chacun est prisonnier de quelque chose. Miroir de l’écrivain qui lui-même avoue avoir besoin de s’enfermer dans un lieu quasi monacal pour écrire. Ce livre l’a propulsé au premier rang de la littérature américaine. N.M.
Laurent Raphaël, N.M.
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