L’IMPOSSIBLE MÉLODIE

Murat

Comment les artistes ont-ils réagi au choc du Bataclan? En septembre dernier, Jean-Marie Pottier publiait Ground Zero, une histoire musicale du 11 septembre (éd. Le mot et le reste), montrant comment l’effondrement des tours new-yorkaises avait pu influencer la création. A quoi ressemble l’histoire musicale du 13 novembre? Sans doute est-elle encore largement à écrire. Non pas que les artistes ne se soient pas manifestés. On se souvient notamment de Good morning, Paris!, webradio spontanée et éphémère lancée par Christine & the Queens, et rejointe notamment par le rappeur Nekfeu. Deux semaines plus tard, le même sortira le clip Les Bruits de la ville dédié aux victimes (incluant des plans de la place de la République, ou du bar Le Carillon). Même démarche chez Renaud, dont l’album du grand retour évoquait déjà abondamment les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. Plus destroy, les légendes indé des Béruriers Noirs ont lâché Mourir à Paris, hommage aux victimes « du Bataclan, du Petit Cambodge, de Charonne et de la Fontaine au Roi », mais aussi aux« soeurs et frères d’Irak, de Syrie, du Liban, de Libye et d’ailleurs qui vivent ces atrocités au quotidien »… On se rappelle encore de toutes les marques de solidarité internationales -de U2 invitant les Eagles of Death Metal sur scène au « Pray for Paris » de Kanye West sur le titre d’ouverture de son dernier album…

Paris, I love you

Mais si les événements ont pu influencer des morceaux, ils en ont coloré bien davantage. Troublé de voir la nouvelle tournure que prenait leur chanson Les Angles morts, composée deux ans auparavant, le groupe Aline dédiera le clip « aux amis, à Paris, à la vie« . Plus frappant encore, Murat a publié l’album Morituri, dans lequel il chante notamment ces vers écrits bien avant les événements: « Sur la terrasse, sous les cimes / où tout bien pesé on t’assassine » (Interroge la jument). Dans un tout autre genre, Joeystarr et son comparse Nathy renâcleront à sortir en single leur morceau Paris par nuit, de peur de se voir taxé d’opportunisme ou de récupération. Voilà sans doute ce qui explique aussi que le récit musical du 13 novembre reste jusqu’à aujourd’hui assez succinct.

Comparaison n’est pas raison. Mais, alors que la BD n’a pas hésité à traiter l’attaque contre Charlie Hebdo (Catharsis de Luz, La Légèreté de Catherine Meurisse), les musiciens semblent en effet rester à distance. Parce que l’exercice est plus casse-gueule? Sans doute. Cette prudence est aussi une réserve. Comme une pudeur. Interrogé dans Les Inrocks, Dominique A écrit: « Le silence n’est-il pas la seule réponse possible/Pour le moment??/Tout est si proche encore/N’allons-nous pas trop vite? »

C’est sans doute pour cela que la chanson la plus touchante écrite jusqu’ici au sujet du 13 novembre est l’oeuvre d’un Anglais. Résidant depuis plusieurs années dans la capitale française, Jarvis Cocker a écrit Friday 13th 2015 en quelques heures. Un talk over qui raconte comment il a vécu la journée tragique, avant d’énumérer une série de vignettes poétiques sur la ville, se concluant par un simple « Paris… I love you… »

L.H.

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