S’il restait encore un doute sur la conversion de la planète à la religion 3D, il a été balayé par la vague bleue de décembre dernier. Le raz de marée Avatar (2,7 mil-liards de dollars dans la colonne recettes, en attendant la sortie DVD…) a en effet sonné la charge d’une technique qui avait déjà fait ses preuves (dès 1934 avec L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat par Louis Lumière) mais jamais dépassé le stade du gadget déclencheur d’émotions fortes et de migraines carabinées. Du coup, les lunettes en carton disco étaient restées le plus souvent cantonnées au périmètre des parcs d’attraction. Jusqu’à ce que l’alchimiste Cameron transforme la technologie, dépoussiérée entretemps, en planche à billets. Sa fable écolo n’a pas seulement montré la voie à suivre, elle a carrément déclenché une épidémie. Depuis le début de l’année, c’est bien simple, on nous sert de la 3D matin, midi et soir. A croire que nombre d’entreprises développaient en douce la quincaillerie, attendant juste un signal fort pour faire leur coming out. On n’est jamais trop prudent… Outre la ribambelle de films en relief déjà sur orbite ( Alice au pays des merveilles, Dragons…) ou sur la rampe de lancement ( Le choc des Titans, Toy Story 3, Batman ou… Le Petit Prince de Saint-Ex), on a vu se multiplier comme les pains dans la Bible les annonces fanfaronnes mettant bien en évidence l’étiquette 3D. Des fabricants d’écrans (Philips, LG, Samsung ou Sony sont aux… avant-postes) aux jeux vidéo (Nintendo a fait saliver la communauté geek avec son projet de DS en 3D et sans lunettes) en passant par les télés (Belgacom met un doigt dans le pot de confiture le 8 mai prochain à l’occasion d’un match de Playoff 1, et en France, Canal+ fera le grand saut pour Noël), c’est toute la chaîne des loisirs qui se shoote au 3D. Cameron lui-même se verrait bien renflouer son Titanic pour faire dériver quelques icebergs entre les sièges des salles de cinéma. Le bulldozer high-tech est en marche. Et on ne voit pas trop ce qui pourrait l’arrêter. Le nec plus ultra technologique, ça ne se refuse pas. Comme hier avec les GSM ou les écrans plats, les voix discordantes seront vite étouffées. Sans vouloir jouer les rabat-joie, on se demande quand même si l’industrie ne va pas finir par se mordre la queue à force de nous gaver de nouveautés. On n’a même pas encore digéré le Blu-ray qu’on nous balance déjà le plat de lentilles suivant. Mais il y a plus gênant: le sentiment que la 3D agit comme un exhausteur de goût visuel. Dans un premier temps, l’acide met les sens en émoi puis finit par anesthésier la perception des saveurs. Avant que la « macdonaldisation » des images nous rende la vue obèse, rappelons donc simplement que le mieux est parfois l’ennemi du bien…

Par Laurent Raphaël

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