AVEC STILL THE WATER, NAOMI KAWASE SIGNE UN FILM DE TOUTE BEAUTÉ, RÉCIT D’APPRENTISSAGE SE DOUBLANT D’UNE MÉDITATION LUMINEUSE SUR LE CYCLE DE LA VIE ET LA MORT.

Still the Water

DE NAOMI KAWASE. AVEC NIJIRO MURAKAMI, JUN YOSHINAGA, MIYUKI MATSUDA. 1 H 59. DIST: TWIN PICS.

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Parmi les films ayant marqué l’année 2014, Still the Water occupe une place à part, portant à sa quintessence l’art délicat de Naomi Kawase, cinéaste japonaise dont l’oeuvre, toute entière, semble en prise sur l’invisible –« ce petit quelque chose qui nous échappe et qui conditionne toute notre existence. » Une existence dont la réalisatrice n’en finit plus de sonder le mystère, tout en s’inscrivant dans une perspective cosmique, motif récurrent de sa filmographie, de Shara à La Forêt de Mogari, et qui trouve ici une expression particulièrement affûtée.

Débutant dans le roulis d’une mer déchaînée, Still the Water gagne bientôt l’horizon apaisé de l’île d’Amami, bout de terre reculé au sud du Japon, dont les habitants vivent, de toute éternité, en parfaite osmose avec la nature -un cadre d’exception dont Naomi Kawase n’a appris que récemment qu’il constituait la terre de ses ancêtres. C’est là que l’on découvre Kaito, un garçon de seize ans, et Kyoko, son amie. Soit un duo d’adolescents au coeur d’un récit d’apprentissage aussi fascinant qu’enchanteur où, à la perspective encore timide du premier amour va se superposer la découverte d’un corps rejeté par les flots, bientôt suivie de l’annonce de la disparition imminente de la mère de la jeune fille, chamane arrivée à l’heure du passage vers l’ailleurs. Toutes circonstances qui vont ouvrir les jeunes gens à une conscience nouvelle du monde qui les englobe.

A leur suite, Naomi Kawase se livre à une méditation sensible sur le cycle de la vie et de la mort, la mémoire et la transmission, tandis que quotidien et perspective spirituelle se confondent dans un mouvement fluide auquel semble présider quelque souveraine harmonie. Bercé d’une inaltérable sérénité, et respirant au rythme des sensations, il y a là un film d’une stupéfiante beauté et d’une non moins troublante densité, réussissant à parler aussi bien aux sens et au coeur qu’à l’esprit. Un petit miracle de cinéma, laissant d’ailleurs le spectateur sur un sentiment voisin de la plénitude. Peu importe, dès lors, si cette édition DVD est dénuée de compléments: Naomi Kawase nous dévoile un monde d’une richesse sans cesse réinventée. Et l’on retrouve avec un bonheur chaque fois renouvelé Kyoko et Kaito dans leur écrin naturel d’Amami, là-bas, quelque part entre ciel et mer, pour se laisser absorber par un film ondoyant avec grâce dans le flux de l’existence jusqu’à toucher à quelque chose d’essentiel. Soit, pour dire les choses simplement, un pur chef-d’oeuvre, par une cinéaste majeure dont l’on attend avec une impatience non dissimulée le prochain film, An, adapté d’un roman de Durian Sukegawa. Rendez-vous en mai?

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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