On aurait voulu repartir la fleur au fusil, requinqué comme une Bugatti Type 251 sortant de l’atelier d’un collectionneur. Il aurait suffi d’un peu de soleil et d’une poignée de good vibrations. Mais voilà, l’été brûle ses dernières cartouches et dans les têtes, c’est comme s’il n’avait jamais commencé. Du coup, on a un peu l’impression de rouler sur la réserve avant même le départ de la course. Merci à cette météo de novembre, venue très tôt plomber l’am- biance. Avant de semer la mort au Pukkelpop, dernier grand RV du calendrier. La faute à pas de chance nous disent les météorologues et le procureur du roi. On veut bien, mais même sans être perméable aux théories apocalyptiques, on a quand même le sentiment que les saisons sont devenues à peu près aussi prévisibles que les bourses. Pur hasard? Phénomène passager? Et si la nature se mettait tout simplement au diapason d’une époque en surchauffe? Un scénario brillamment développé, dans son style à la fois rude et sensible, par Lars Von Trier tout au long de l’envoûtant Melancholia. Et qui irrigue aussi, sous une forme plus fragmentée mais non moins percutante, les rizières du dernier Jonathan Franzen, Freedom. Après le drame de Kiewit, il ne restait plus grand-chose à sauver des 2 mois. Même pas le bilan largement positif des festivals, soudain dérisoire. A croire qu’une malédiction s’acharne sur la planète musique. Le live est un peu la dernière poire pour la soif de ce secteur sinistré par le piratage. On ne parle pas de K.O. bien sûr, ce n’est pas la fin des orgies musicales, mais une légère appréhension assaillira désormais celui qui s’engouffre sous un chapiteau par vent mauvais. Tant qu’à lire dans le marc de café brûlant de l’actualité récente, poursuivons avec cet autre carambolage spectaculaire: les émeutes de Londres. Quel sens donner à cet incendie d’un entrepôt de Sony qui a réduit en cendres les disques des petits labels distribués par Pias UK qui s’y trouvaient, signant du même coup leur arrêt de mort? En apparence, la faute à pas de chance encore une fois: des jeunes gens énervés passaient par là et ont dégainé les Molotov. Ça aurait aussi bien pu être un stock de papier toilette. Mais derrière l’écran de fumée, il y a comme un message subliminal d’une génération, celle du tout-numérique, de la musique gratuite et volatile, à la précédente, attachée à l’objet et à des valeurs dépassées par les événements. Une sorte de coup de grâce symbolique. Et comme si cela ne suffisait pas, crise oblige, la culture doit faire ceinture. Un peu partout, à commencer par l’Italie, on charcute les budgets pour payer les ardoises des Etats aux poches trouées. Si ce n’est pas le début de la fin, ça y ressemble. Bref, on a connu rentrée des classes plus joyeuse. Heureusement, l’espoir fait vivre. Un automne estival pourrait panser un peu les plaies. Sinon on se consolera en grignotant les collations (Björk, Justice, Camille, Tintin, The Artist, Howl, Jean Rolin, Murakami…) qui déborderont bientôt de nos cartables…

PAR LAURENT RAPHAËL

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