TOUJOURS SUR LE FIL, L’EX-LEADER DES GIRLS SORT SON PREMIER ALBUM SOLO. MOINS FOUTRAQUE, PLUS POP, OWENS SE LAISSE ALLER À UNE LOVE STORY JOLIMENT DOUCE-AMÈRE.

Perdez vos illusions, il en restera toujours quelque chose. Un disque, par exemple. Pour son premier album sous son nom, Christopher Owens a pondu une série de chansons à la mélancolie vaguement douce-amère. Une sorte de rock Instagram, couleurs saturées et parfum romantique, qui parle de filles, de rock, de virées entre potes. Bref, de rêves d’ados et du deuil à faire de certains d’entre eux. Aussi futile et essentiel que ça.

Christopher Owens est le leader de feu les Girls. Dissous à l’été dernier, ils ont eu le temps de sortir deux albums, un EP. Des disques de rock californien, entendez avec chorus ensoleillés et guitares qui tanguent et qui twanguent. Owens y faisait déjà preuve d’un songwriting doué, au charme foutraque et slacker. La pose arty n’était pas loin, mais sans jamais se départir tout à fait d’une certaine naïveté -au point de pouvoir reprendre sur scène I Will Always Love You, le jour de la mort de Whitney Houston, sans que cela passe pour de l’ironie pour autant. En bonus, la presse pouvait aussi se mettre sous la dent une biographie bien rock’n’roll, à ce jour toujours pas démentie. Né en 1979 à Miami, Christopher Owens a ainsi été élevé au sein d’une secte, Children of God. Lancée sur les cendres du mouvement hippie, l’organisation est toujours vue comme l’une des plus totalitaires du genre -Owens aurait ainsi perdu un frère plus âgé, mort d’une pneumonie et des réticences des membres de la secte à le faire soigner dans un hôpital. Ballotté entre les Etats-Unis et l’Asie, puis l’Europe, Owens a 16 ans quand il prendra finalement la fuite avec sa soeur, direction le Texas. Entre petits boulots et défonce, il bénéficiera du « patronage » bienveillant de l’artiste Stanley Marsh 3, philanthrope excentrique qui l’initie notamment à la peinture, avant de le voir se diriger petit à petit vers la musique. « J’ai essayé de faire d’autres trucs. Mais cela n’a jamais été aussi évident que la musique. Quand j’ai commencé à écrire des chansons, je devais avoir 27 ans. Et tout est venu en un coup. C’est pour cela qu’aujourd’hui je veux m’y consacrer totalement. Parce que cela sonne juste, que cela me fait me sentir bien… J’ai enfin trouvé quelque chose qui fonctionne. »

Coup de foudre

Owens n’a donc pas traîné. Quelques mois après l’annonce de la fin des Girls, il sort aujourd’hui un premier album solo, Lysandre. Le disque porte un nom de fille. Un nom pas commun, à connotation vaguement mythologique. Mais la fille existe bien. Owens l’a rencontrée lors de la première tournée des Girls dans le sud de la France, en 2008. L’histoire est donc vraie, il l’assure. Est-elle triste? « Non, pas vraiment. Il n’y a pas eu de moments très sombres, pas vraiment de rupture. Cela a pu faire mal, il y a eu de la déception, mais ce n’était pas les sentiments dominants. Ce fut une histoire très brève aussi. On s’est rencontrés sur cette tournée, on est restés en contact. Mais je vis à San Francisco, elle en France. Il était évident qu’on n’allait pas pouvoir continuer cette relation. Ce disque, c’est juste une manière de se rappeler cette histoire d’une manière assez douce. Et puis, il ne parle pas que de ça. C’est aussi une trace de cette première tournée, du fait d’accéder à une certaine reconnaissance, une première forme de succès, et de se retrouver tout à coup dans la peau d’un songwriter. » Lysandre est donc un disque de coup de foudre, de coup de sang. Un disque de « premières fois » et de la nostalgie qui les accompagne dès la seconde qui suit, de ce qu’il faut laisser tomber en cours de route. « Au final, le bilan de cette expérience est très positif et gratifiant. Le seul truc décevant, ce fut le groupe. Avec Chet (Jr White, camarade à la base de Girls, ndlr), on voulait trouver d’autres personnes pour jouer avec nous. Des musiciens qui resteraient, et s’impliqueraient pour devenir membres à part entière. Mais cela n’a jamais été possible. Sur les trois disques qu’on a pu sortir, près d’une vingtaine de personnes sont intervenues. L’idéal que j’avais en tête, ce qu’un groupe devrait être selon moi, ne s’est jamais concrétisé. »

Si Owens a sabordé Girls, c’est donc par manque d’esprit collectif plutôt que par besoin de satisfaire l’ego. L’idée du gang enterrée, la musique d’Owens sonne pourtant plus « orchestrée » que jamais. Pop aussi –« je tiens à ce que mes chansons restent accessibles ». Rien de neuf, rien de révolutionnaire: « Everything has been said before », chante notamment Owens. Mais cela n’empêche pas de convaincre et de séduire. Y compris en amenant des parties de flûte, de saxo ou même d’harmonica… « Puisque que tout a déjà été fait, la seule manière de faire, c’est d’être le plus personnel possible. En gros, toutes les histoires classiques se répètent dans les oeuvres d’aujourd’hui. Vous pouvez dire que Superman est une relecture du mythe d’Hercule, ou un truc comme ça. Ce qui va changer, c’est l’investissement que vous allez donner à votre récit, comment vous allez l’incarner. Si le public accroche, peu importe que cela soit neuf ou pas. Ce qui compte, c’est de faire et de voir ce qui se passe… »

CHRISTOPHER OWENS, LYSANDRE, TURNSTILE/PIAS. EN CONCERT LE 06/03, AU BOTANIQUE, BRUXELLES. ***

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS

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