En Belgique francophone aussi, des filles rappent. La compilation Dans Ta Ruelle leur est entièrement consacrée.

On peut dire ce qu’on veut. Le rap a de moins en moins de couilles. Et ça ne lui est pas nécessairement préjudiciable. Depuis quelques années, de plus en plus de filles investissent ce champ de la musique trop longtemps réservé aux mâles et à leur bête testostérone. En Belgique aussi, ces demoiselles donnent de la voix.

Same Same Production s’apprête d’ailleurs à leur consacrer une compilation. Après Dans Ta Rue, état des lieux de notre rap francophone, Dans Ta Ruelle se présente comme le premier rassemblement du genre 100 % féminin.  » L’idée est déjà de casser cette image d’un mouvement machiste refermé sur lui-même », précise Pierrot, producteur et manageur bien connu dans le milieu, qui se cache derrière cette initiative heureuse.

Si elles portent des projets plus ou moins aboutis, Saida, Sismik, Mari’M, Léo et Ekila restent la partie émergée d’un iceberg déjà difficilement repérable. Elles viennent de la capitale. De Liège, Namur, Mons… « On ne peut pas comparer le rap belge et le rap français, estime Julie Daliers, promotrice de projets rap/danse pour Lezarts urbains, association bruxelloise tentant de valoriser les cultures urbaines. Nos géographies sont différentes. Nous vivons dans un village. Les banlieues chez nous sont moins nombreuses que de l’autre côté de la frontière. Les rappeuses qui s’imposent dans l’Hexagone sont souvent des garçons manqués. Pas en Belgique. »

On les compte cependant sur les doigts de la main. Les consciences ont beau évoluer depuis cinq ans, la plupart de ces filles se font plaisir. Rappent en amateur. « On a, malgré tout, pris le risque de les faire entrer en cabine. J’ai l’habitude de travailler avec des hommes. Et mettre en boîte cette compilation fut une expérience extrêmement enrichissante, insiste Pierrot. Les filles m’ont semblé difficiles. Dans le sens méticuleuses. Elles se montrent très dures envers elles-mêmes, sont très critiques par rapport à leur travail. Elles savent qu’on les attend au tournant et qu’on ne leur pardonnera pas grand-chose. »

Saida a déjà failli arrêter plusieurs fois. Cible d’insultes dès qu’elle mettait un pied sur les planches. « Il y a le studio et la scène. ça fait une sacré différence. »

« Le peu de filles qui occupent les rangs sont celles qui acceptent, du moins ont le courage, de se faire chambrer, poursuit Julie Daliers. Elles n’ont pas le choix. Elles sont toujours regardées d’un £il plus critique. Pour une centaine de garçons, je dirais qu’on a cinq filles qui tiennent la route. Elles ont, je pense, plus vite accès que les mecs à un boulot. Elles ont donc aussi moins de temps à consacrer à leur passion. »

Une passion qu’elles vivent à leur façon. « Elles parlent de la même chose. Mais autrement, conclut Pierrot. On peut retrouver des thèmes récurrents. Comme un père manquant. Mais je constate surtout une envie de se démarquer des hommes. De parler de son vécu. Même s’il s’agit de toxicomanie ou de prostitution. » l

Dans Ta Ruelle, chez Same Same.

J.B.

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