The Tellers ont implosé avant de ressusciter autour du chanteur Ben Bailleux. Le second album, géré par Gordon Raphael, producteur des 2 premiers Strokes, éclate de nouvelles chansons: la bébête pop mérite d’aller loin.

« On était dans cette boîte aux Pays-Bas et Charles (co-auteur des chansons et co-chanteur, ndlr) a eu l’idée de vouloir offrir un verre à une fille: ce qu’il n’avait pas vu, c’est que son copain était juste derrière lui. Moluquois, immigré des anciennes colonies hollandaises, il lui a mis d’emblée un coup de genou dans la gueule. Le fiancé était accompagné d’une quinzaine de mecs, un peu patibulaires. Ils ont eu la bonne idée de nous suivre jusqu’à l’hôtel où on s’est réfugié pendant qu’ils brisaient la porte d’entrée et qu’on appelait la police. «  Petit groupe de supposés poseurs brabançons, The Tellers se sont donc encanaillés dans des tournées sans fin, bonne matière dépravée à un rockumentary salace, comme quand le tour manager met une paire de taloches XXL à Ben, poids plume et moitié du noyau central tellersien avec Charles. Ensemble, ils font un peu leur Libertines/Babyshambles à la belge.  » L’héroïne en moins« , précise Ben, qui poursuit:  » En tournée, on était vraiment insupportables, organisés comme des glands (sic) , saouls et capricieux. Je me souviens d’une crise à la Mick Jagger (sic) en Autriche parce que l’hôtel ressemblait à un squat. On a tourné super longtemps et cela a épuisé Charles. Il nous a envoyé un mail pour dire qu’il voulait encore bien faire du studio mais plus de tournées. J’ai trouvé cela naze. » Dommage parce que le premier album du band ( Hands Full Of Ink) est gavé de quelques bons titres, notamment Want You Back, aussi mémorable qu’une trépanation. ça et quelques jalousies en rapport avec la musique des Tellers utilisée dans une paire de pubs à succès (Canon, une banque australienne) trompent un peu sur le produit: d’accord, les Tellers première formule jouent un rien  » comme des clinches » mais, néanmoins, frôlent la porte du marché international. Leur inspiration Simon & Garfunkel punky touche même aux pulsions intimes. Sans blague.

Slims mauves et cheveux rouges

Trois semaines avant la sortie du nouveau disque, on retrouve Ben -le survivant- dans un appartement schaerbeekois, chez Fabrice Detry, producteur du premier album, revenu soutenir les déboires tellersiens à la basse. A 33 ans, il en a 9 de plus que Ben, et met des compresses tièdes sur le cerveau bouillant du chanteur:  » Il n’est pas sain, il est zarbi, mais il rayonne, peut-être parce qu’il se branle de beaucoup de choses… Pendant les 3 ou 4 mois où on a travaillé ici en écoutant un maximum de hip hop, il se pointait avec des squelettes de chansons et je jouais à l’arrangeur. On ne parlait que de musique. » La venue d’un batteur namurois, le très jeune César Laloux, débloque les choses. Joos Houwen, guitariste tout aussi post-ado, sorti de Flandres, rajoute une électricité à la cuvée Château Tellers 2010. Fabrice:  » Le premier album avait peut-être trop de morceaux, on s’est dit qu’on n’allait retenir que ce qui nous parlait vraiment. » Le groupe fait un pow wow sur des noms de producteurs mirifiques: Damon Albarn, Nigel Godrich, Gordon Raphael. Ce dernier, 52 ans, est responsable des 2 premiers albums des Strokes: il débarque voir le groupe au Botanique en mai 2010.  » On a vu un mec d’1m90, cheveux rouges, slims mauves, combat shoes brillantes, super poli, parlant très lentement un posh english, une diva qui ne sait rien faire seul et qui déteste tout de la Belgique, sauf nous. » L’oiseau, originaire de Seattle, est un ancien junkie reconverti en végétarien. Il a une obsession: faire sonner le groupe live en studio. Ben:  » On a passé 32 jours en studio près de la Place Flagey: Gordon avait adoré notre son de scène et nous a fait une disposition dingue, mettant des effets reverb’ twin dans les guitares, débarquant avec des sons de synthé débiles, cherchant l’énergie, n’hésitant pas à casser du verre pour obtenir le son de Drama, amenant l’idée du vibraphone et donc la présence d’Aurélie Muller. »

Quelques jours plus tard, on retrouve les 4 garçons et la fille nouvelle, Aurélie, en répétition dans une sorte de vieux bar-resto au look Quasimodo du Brabant Wallon. Trentenaire, Aurélie a déjà fait un beau parcours dans Melon Galia et Soy un caballo, groupes belges splittés après des aventures transnationales. Désormais, elle installe claviers et 6 cordes, vibraphone, dans des morceaux plus charnus qu’auparavant, même si Ben est toujours aussi léger que l’air dans sa chemise de trappeur. César, le batteur, joue aussi du piano, et étudie à Bruxelles. Joos, preuve flamande que la Belgique n’est pas complètement illusion, zappe entre Ostende et des études de musique à Hasselt: quand il s’arrête à Bruxelles et alentours, c’est pour allumer les histoires de Ben & C°, rock vagabond qui  » chante un peu moins l’amour comme un gamin de 16 ans« . L’aspect positif de la chose est que la sortie de l’adolescence ne signifie pas forcément une gérontologie prématurée: ces morceaux arrosés de la voix mi-spleen mi-vinaigre de Ben -d’origine galloise-, plus soudés que dans les Tellers première époque, ont toujours l’air échappés de la grande galaxie pop, celle qui rejoint une série de fantasmes collectifs n’ayant aucune raison de s’éteindre.

En concert en novembre le 05 à Gand, le 06 à Anvers, le 19 à Ypres, le 23

à Liège, les 26 et 28 à Bruxelles, et le 18 décembre à Charleroi.

Rencontre Philippe Cornet

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