Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Souvent loin des crispations parisiennes, Marseille a toujours joué en première division du rap français. Exemple avec les Psy4 de la Rime.

Novembre 2007. Alors que de nouvelles émeutes allument les banlieues parisiennes, Marseille reste étonnamment tranquille. Au point de susciter la curiosité d’un journaliste du New York Times, qui se rend sur place. Comment expliquer le calme d’une ville à la réputation exubérante? Grâce à sa scène rap, avance l’article publié dans le prestigieux quotidien. Parmi les intervenants, les Psy4 de la Rime, formés dans les quartiers nord en 95.  » On a vu l’article, explique Soprano, un des trois rappeurs . Mais comme on ne maîtrise pas l’anglais, on n’a pas tout compris. Sya Styles (Ndlr: le DJ du groupe, d’origine marocaine, les trois autres membres étant d’origine comorrienne) nous a un peu traduit son contenu.  »

Une chose est sûre: la planète Marseille a toujours eu une place à part dans l’univers hip-hop hexagonal.  » A Marseille, on a le beau temps. Ça n’a l’air de rien, mais un brin de soleil dès le matin, ça change votre journée. Je comprends qu’à Paris, ils soient toujours énervés.  » Vincenzo prolonge:  » Il y a ce côté bled aussi. Quand vous marchez dans la rue, vous retrouvez un peu d’Algérie, un peu des Comorres… C’est une richesse qui aide les gens à vivre ensemble, à ne pas se tirer dessus ou à tout brûler.  »

Travailler plus…

Au printemps dernier – le 26 mai précisément, date anniversaire de la victoire européenne de l’OM, en 93 -, le quatuor a sorti son troisième album, Les Cités d’Or. Un disque à écouter le matin, avant de partir travailler, expliquent-ils sur leur MySpace…  » C’est un clin d’£il ironique à la phrase de Sarko: travailler plus pour gagner plus, note Soprano. Mes parents ne l’ont pas attendu pour ça. Ils avaient chacun deux boulots. De fait, ils travaillaient plus! Je ne sais pas s’ils gagnaient plus…  » Par ailleurs, l’hyper président est finalement assez peu présent dans les textes des Marseillais.  » Ce n’est pas que la politique ne nous intéresse pas, argumente Sya Styles . Mais arrive un moment où, que vous alliez voter ou non, vous avez le sentiment que cela ne changera rien. Notre condition ne change qu’à partir du moment où l’on se prend en main. Cela dit, qu’on l’aime ou pas, Sarko est quand même le premier président depuis 30 ans qui fait de la politique. Il a ses idées, nous les nôtres, mais il fait son job.  »

Sur Les Cités d’Or, les Psy4 de la Rime se sont offert le flow de l’Américain Nate Dogg. Une figure emblématique du rap G-funk des années 90. Mais un inconnu pour une grande partie du public rap français.  » On est un peu entre deux générations, constate Alonzo . Les jeunes aujourd’hui, c’est le rap français, point barre. Parce qu’il est déjà tout fait, avec ses stars. Pourquoi aller chercher ailleurs? Tout est là.  » Soprano bondit:  » Maintenant, les gars n’en ont plus rien à faire du break-dance, du graffiti… toutes ces autres disciplines du hip-hop. Un exemple: on est un des derniers groupes à avoir encore un DJ. Ce n’est pas normal! » Le syndrome d’un rap français autosuffisant?

Les Cités d’Or, Universal.En concert, complet, le 17/12, à l’Ancienne Belgique, Bruxelles.

Laurent Hoebrechts

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