Lola Doillon achève de tourner Sous ton emprise, son deuxième long métrage, où Kristin Scott Thomas et Pio Marmai campent un couple victime-ravisseur. Visite de plateau…

Un immeuble du boulevard Malesherbes, à 2 pas de l’église Saint Augustin, dans le 8e arrondissement. Disposés sur le trottoir, divers équipements, et une cantine mobile trahissent une activité inusitée: c’est ici, en effet, que se tourne pour l’heure Sous ton emprise, le second long métrage de Lola Doillon, auteure, il y a 3 ans, du fort estimable Et toi, t’es sur qui? La production squatte le rez-de-chaussée, une douzaine de personnes se déployant dans un espace réduit – l’appartement d’Anna, pôle féminin de ce drame à deux voix, celles de Kristin Scott Thomas et Pio Marmai. Le changement de cap est sensible, en effet, pour la réalisatrice qui, après une chronique adolescente, tente un film où elle s’interroge sur les sentiments pouvant naître entre la victime d’un enlèvement et son ravisseur. Soit, en l’occurrence, une obstétricienne kidnappée par le jeune homme la tenant pour responsable du décès de sa femme. « J’avais envie de faire un film avec des adultes, et une histoire sentimentale, et je me suis un peu inspirée des faits divers et de ce qui se passe autour, du syndrome de Stockholm notamment, raconte Lola Doillon. Il y avait l’idée de se demander « Que se passe-t-il, sentimentalement, quand 2 personnes sont dans un moment extrême? Quels sont les besoins humains, pratiquement… ? » »

Pour l’heure, Anna arpente l’appartement un combiné téléphonique à la main, s’enquérant d’un destinataire absent. « Lui avez-vous transmis mon message? », implore-t-elle, en une expression où la solitude impuissante le dispute au manque. « Kristin, j’ai écrit en pensant à elle, poursuit la réalisatrice. C’est une des femmes les plus classes qui soient, avec beaucoup de maîtrise, mais aussi un mystère – j’avais envie d’aller gratter la carapace pour voir ce qu’il y a derrière. » Sans trop y croire, la cinéaste lui fait parvenir le scénario, avec le résultat que l’on sait. « J’ai pensé que Lola était peut-être la bonne personne pour raconter cette histoire, explique la comédienne. Il fallait quelqu’un de très fin. Je connais un peu le milieu médical, et les difficultés des médecins dans les situations de détresse d’un patient – raconter cela m’intéressait. Et puis, j’ai toujours été perplexe à l’idée de pouvoir tomber amoureux de celui qui vous fait du mal, qui vous enferme. C’est un sentiment que je n’ai jamais vraiment compris, ce que j’essaye de faire dans ce film, c’est une sorte d’exploration. »

À la belge

Enfermée dans sa solitude, toujours, Anna se ronge les sangs, triturant son châle tandis que le désarroi point sous ses traits cernés. 4 prises enchaînées en douceur, et la scène est dans la boîte: « Super, nickel », lance Lola Doillon. « Ce n’est pas parce qu’on parle d’une histoire dramatique qu’il faut tourner dans la douleur », observe-t-elle. « Ce que j’aime dans le cinéma, c’est le travail d’équipe, renchérit pour sa part Kristin Scott Thomas. On vient de passer 3 semaines à Angoulême, où on était enfermés dans une pièce grande comme celle-ci, entre 4 murs, et où je me faisais insulter, agresser, j’avais le sentiment d’être une moins que rien. A la fin de la journée, le moral est un peu bas, mais heureusement, cette équipe est petite, et très investie dans le film – j’ai l’impression que les gens présents sur le plateau sont avec nous, les acteurs. » De quoi compenser la difficulté d’un rôle où, de son propre aveu, elle évolue parfois à la façon d’une « funambule. Je pense que le cinéma français m’apporte des rôles plus variés, une sorte de liberté que je n’ai pas dans le cinéma anglais. Va savoir? Et puis, j’aime faire ces petits films, cela m’en fait plusieurs maintenant, avec des metteurs en scène qui ne sont peut-être pas très expérimentés, mais qui ont du talent, et travaillent avec de toutes petites équipes, des jeunes gens – c’est très agréable. »

Ce qui, traduit en chiffres, donne une équipe de 23 personnes, avec un temps de tournage compté (6 semaines, partagées entre Angoulême, Paris et Montreuil) et un budget limité (1,7 million d’euros). « C’est un peu serré partout », sourit le directeur de production Henri Deneubourg, avant d’évoquer « un tournage à la belge », suivant une expression empruntée à Benoît Poelvoorde. Autant dire que l’enthousiasme et la bonne humeur compensent largement l’étroitesse des moyens. Pour un résultat attendu par les producteurs, Origami Films et Ce qui me meut, au premier semestre 2010.

Texte Jean-François Pluijgers, à Paris.

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