Les Hommes d’après

Paru aux USA début des années 90, Next Men de John Byrne a été un jalon important dans l’industrie du comics américain. Le voici enfin traduit.

Ne nous voilons pas la face: les histoires de super-héros, même tourmentés, restent des histoires de bodybuildé(e)s en caleçon moulant qui veulent soit sauver le monde, soit le détruire. À part pour quelques nostalgiques des magazines Strange, la culture super- héroïque sur papier glacé n’a jamais vraiment percé dans la BD franco-belge. Trop naïve? Trop genrée? Trop manichéenne? Les super-héros, à part quelques-uns, n’excitent pas trop ce côté-ci de l’Atlantique. Quoi qu’il en soit, certains auteurs américains, voulant casser les codes, se sont emparés de super-héros, épaississant leur cortex cérébral pour accoucher de récits plus intéressants, à l’image du Batman: Dark Knight de Frank Miller ou des Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons. Next Men de John Byrne est de ceux-là. Moins sombres que les deux précités, ces « hommes d’après » n’en sont pas moins intéressants. Dans une base de l’armée américaine, au milieu de nulle part, des expériences secrètes sont menées afin de créer des surhommes au nez et à la barbe des autorités. Ces expériences appelées « Next Men » sont financées par un sénateur avide de pouvoir. Washington ayant la puce à l’oreille envoie une agent sur place. Celle-ci découvre et libère les cinq cobayes humains juste avant leur destruction. Et voici cinq créatures, naïves comme au premier jour et dotées chacune d’un pouvoir, plongées dans la complexité de notre réalité. Quiproquos, incompréhensions, manipulations et recherche d’identité animent la première partie de ce Next Men où les protagonistes doivent tout apprendre.

Les Hommes d'après

Une vision extralucide

Le génie de la série, parue entre 1991 et 1995 chez Dark Horse, maison d’édition plus adulte et plus libre dans son programme éditorial, réside dans son aspect visionnaire du monde. Elle aborde le thème de la manipulation génétique très à la mode à cette époque. Bien sûr, John Byrne n’échappe pas à certains poncifs du genre: créature démoniaque manipulatrice ou intervention de l’ancien bloc de l’Est avec un programme similaire de surhommes. Il n’en est pas moins un auteur avant-gardiste: il introduisait déjà, dans de précédentes productions, des super-héros homosexuels, bousculant l’industrie du comics plutôt conservatrice. Il sera d’ailleurs d’une grande influence pour les frères (à l’époque) Wachowski et leur Matrix: les Next Men sont enfermés dans un sarcophage qui pourvoit à tous leurs besoins, leurs esprits se rejoignant dans une sorte de jardin d’Éden idéalisé avant leur venue au monde. Au point de vue politique, le sénateur avide de pouvoir, amateur de femmes-objets, n’est pas sans rappeler le peroxydé qui occupe actuellement le siège de la présidence des États-Unis. Pour tous les amateurs de super-héros qui ont grandi.

Next Men – t. 1

de John Byrne, éditions Delirium, 288 pages.

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