L’aventure de Mme Muir – Autour de Sabine Azéma et André Dussollier, son couple d’acteurs fétiches, Alain Resnais signe une fantaisie où règne l’imaginaire, libre comme l’air.
De Alain Resnais. Avec André Dussollier, Sabine Azéma, Anne Consigny. 1 h 44. Sortie: 04/11.
L’histoire est, en apparence, banale. Sortant de chez un marchand de chaussures, une femme se fait arracher son sac, dont le contenu échoue dans un parking souterrain. Avisant le portefeuille, un homme le ramasse, et décide de le lui restituer. Rien que du fort classique, sauf que l’on est ici chez Alain Resnais, adaptant L’incident de Christian Gailly, et que l’inattendu a décidé de s’inviter dans l’affaire.
Déjà que la victime du larcin se nomme Madame Muir, et que, Georges Palet, l’individu secourable, trimballe quelques fantômes, en sus d’un imaginaire débridé. Relève-t-il, parmi les papiers et autres documents officiels, une licence de pilote, qu’il se met à doucement fantasmer et à entreprendre de rencontrer une Marguerite Muir lui opposant une fin de non recevoir. Il en faut plus, toutefois, pour décourager un homme papillonnant entre la pionnière de l’aviation Hélène Boucher et Les Ponts du Toko-Ri, parmi d’autres bribes d’enfance venues parasiter son horizon quelconque. Et l’aventure de prendre un tour aussi loufoque qu’échevelé… C’est avec quelque délectation qu’on se laisse emporter par la voix d’Edouard Baer dans cette fantaisie imaginée par Alain Resnais. Retrouvant son couple d’acteurs fétiches, Sabine Azéma et André Dussollier, à qui il adjoint quelques comparses de choix – Mathieu Amalric et Michel Vuillermoz en duo de policiers évoquant irrésistiblement les Dupond-Dupont, pour ne citer que ceux-là -, le réalisateur d’ On connaît la chanson signe ici un film dont l’exquise légèreté n’exclut pas une profonde mélancolie, en même temps que s’y déploie un univers enchanteur.
Au-delà du raisonnable
Il y a dans les tours et détours ludiques qui président aux Herbes folles comme dans ce désir inextinguible de dériver au-delà du raisonnable, l’expression d’une stimulante liberté. C’est cette même liberté qui irradie le cinéma de Resnais, qui se joue des formes et des codes pour mettre en place un petit théâtre dont les personnages se laissent happer, consentants, par un imaginaire où un baiser hollywoodien devise avec des croquettes pour chats; les jeux de langage avec ceux de l’image. La vie est un film, pourrait-on dire, en écho au titre d’un opus précédent de l’auteur, dont Les Herbes folles traverse les paysages intimes, effets enivrants à la clé. Figure libre mais parfaitement maîtrisée, voilà une réussite incontestable qui a valu à Alain Resnais un Prix Exceptionnel au festival de Cannes, distinction inédite pour un cinéaste unique…
www.lesherbesfolles-lefilm.com
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Jean-François Pluijgers
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